1904-1977

Maire de Florence

« Un Maire franciscain »

C’est sous ce titre que le journal « France Catholique » de 1953 auquel nous empruntons ces renseignements, a présenté Giorgio La Pira, franciscain séculier intervenu à Rome au Congrès du Tiers-Ordre.

Ancien cordonnier qui trouva le temps, entre les coups de tranchet et de marteau, d’acquérir une vaste culture, Giorgio La Pira est devenu, sans perdre sa simplicité, un personnage considérable.

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Florence vient de recevoir les grands écrivains de 35 nations, invités pour la seconde fois à participer au Congrès de la Paix et de la Civilisation chrétienne. L’artisan de cette manifestation qui fait de Florence une capitale moderne de la culture occidentale, est son Maire, Giorgio La Pira.

Ancien député et ancien sous-secrétaire d’Etat au Travail, l’honorable Giorgio La Pira a abandonné en 1951 ces deux fonctions pour livrer « la bataille de Florence », c’est-à-dire pour arracher l’illustre cité de 400.000 personnes des mains des communistes. Trois villes étaient alors considérées, tant par leur prestigieux passé que par leur rayonnement spirituel, comme les bastions de la chrétienté : Rome, Assise et Florence. La Pira enleva la municipalité de justesse.

Depuis lors, ce petit homme extraordinaire, qui reçoit ses visiteurs avec enthousiasme et sourit constamment, n’a cessé de surprendre les politiciens chevronnés, les financiers et les électeurs. Pour les tâches ardues de son administration, il s’en remet aveuglément à la Providence. Faut-il trouver des logements pour les ouvriers ? On commence à construire, et l’argent vient après. Faut-il trouver une solution urgente ? Il la demande à Dieu d’abord, plutôt qu’à ses conseillers.

D’ailleurs, le premier problème devant lequel se trouva le nouveau maire fut de se procurer un habit convenable. Jusque là, La Pira logeait dans une cellule du couvent de Saint Marc, et il lui arrivait fréquemment de rentrer chez lui pieds nus, ayant laissé, en cours de route, ses souliers à un malheureux. Ses nouvelles fonctions lui donnèrent des soucis vestimentaires que ni la députation ni l’exercice du pouvoir n’avaient réussi à lui procurer. Mais, contrairement à son prédécesseur communiste qui se montrait fort mondain, il n’a pas encore de smoking.

Le public florentin éprouva sa première surprise lorsque, à la veille du scrutin, La Pira prononça son grand discours électoral. La place de la Signoria était noire de monde. On vit ce petit homme noiraud et souriant monter d’un pas alerte à la tribune. Ainsi qu’il le fait toujours lorsqu’il s’adresse à la foule, il salua d’un grand geste et se signa. Puis il s’approcha du micro et commença par ces mots : « Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit… »

Quoique les Italiens soient généralement respectueux des choses de la foi, ils ne s’attendaient pas à voir un homme politique s’adresser à eux avec tant de noblesse. Les communistes surtout, qui se trouvaient là, s’apprêtaient à se moquer de lui. Mais La Pira enchaîna aussitôt sur la nécessité de la justice sociale et les laissa désemparés. Puis il leva les bras au ciel et s’écria : « Nous appelons sur notre ville la clémence de la Vierge Marie ».

Deux communistes lancèrent des coups de sifflet qui, dans le silence général, firent l’effet d’un coup de canon. Bientôt, quelques jeunes hommes se dirigèrent vers les perturbateurs et une légère bagarre s’ensuivit. La police y mit rapidement fin en embarquant sur une jeep les deux « agitprop », comme on les appelle en Italie. La Pira avait vu toute la scène de la tribune sans pouvoir réagir. Ses yeux s’emplirent de larmes et, au milieu des applaudissements qui le saluaient, il se demandait avec tristesse comment on pouvait offenser la Vierge avec tant d’inconscience.

Son premier soin fut de se rendre au commissariat où il attendit, sur un banc, la fin de l’interrogatoire. Mais la voix coléreuse du commissaire parvenait jusqu’à lui et il crut, un certain moment, entendre le bruit de coups. Alors n’y tenant plus, il entra de sa propre autorité dans le bureau du commissaire.

– Vous ne savez pas avec certitude si ces jeunes gens sont coupables, s’écria-t-il. Ils ont une famille qui les attend. Au nom de la charité chrétienne, je vous demande de les relâcher.

Les communistes, surpris et émus, regagnèrent leur domicile. L’incident se passait un vendredi. Le lundi, La Pira était élu.

Il avait été le seul candidat à passer tranquillement chez lui la nuit du dépouillement. Le lendemain matin, à six heures, alors qu’il faisait son lit et s’apprêtait à se rendre à la Messe, il vit entrer dans sa cellule, deux amis visiblement fatigués par leur veille.

– Nous avons vaincu ! dit l’un d’eux. Tu seras Maire de Florence !

Le visage de La Pira devint subitement sérieux. Son drame commençait. Il craignait de ne pouvoir assumer cette lourde charge.

– Je dois m’occuper des pauvres, dit-il simplement.

Il était d’ailleurs Député, et l’on sait qu’en Italie, la charge de Maire est incompatible avec celle d’onorevole. Mais en comptant les bulletins, on s’aperçut que La Pira avait été préféré à tous ses colistiers. Même les habitants du quartier pauvre de San-Frediano lui avaient donné leurs suffrages.

Le matin du 16 juillet 1951, alors qu’il ne s’était pas encore résigné à accepter sa nouvelle charge, il reçut un coup de téléphone de Rome. M. Alcide de Gasperi était au bout du fil. Pendant dix minutes, La Pira dit simplement : « Bien…bien…. » Après avoir raccroché, il posa les coudes sur la table et prit sa tête dans ses mains. Puis il dit à sa secrétaire :

  • Je dois être Maire

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Giorgio La Pira est né en 1904 dans la province de Raguse, au sud de la Sicile. Quoique de parents pauvres, il fit ses études à Messine, vint à Florence en 1924 et y présenta une thèse de doctorat en droit, qui commençait par ces mots : « Au nom de la Sainte Trinité… »

C’est à 18 ans que j’ai connu la lumière éblouissante de la foi catholique, dit-il.

Son élection à la Chambre augmenta sa popularité. Il fut désigné pour figurer, aux côtés des communistes, et notamment de Togliatti, dans une commission de douze parlementaires chargés de mettre au point une Constitution. Son rôle fut décisif sur la question du divorce : il empêcha qu’il fût inscrit dans la loi. Après la séance, Togliatti s’approcha de Alcide de Gasperi et lui dit à l’oreille :

– Mais où avez-vous donc déniché ce petit bonhomme ?

De 1948 à 1950, l’Onorevole La Pira fit partie du gouvernement. Avec Fanfani (Ministre de l’agriculture) et Dosetti, il représentait la gauche de la démocratie chrétienne. Les trois hommes formaient, du reste, un trio fameux, opposé à toute manifestation mondaine.

Un jour, alors qu’il était sous-secrétaire d’Etat au Travail, La Pira fut surpris par une pluie torrentielle au sortir du ministère. Un député nommé Rastelli, le voyant sans chapeau et sans parapluie, le pressa d’accepter son imperméable.

La Pira acquiesça. Une heure après il revenait au ministère sans imperméable et complètement trempé.

– Que veux-tu, expliqua-t-il à Rastelli, j’ai rencontré dans la rue un pauvre malheureux…

– Mais l’imperméable était à moi !

– tu en achèteras un autre.

En 1950, pour son anniversaire, M. de Gasperi lui offrit trois cravates. Il en fit également cadeau à des pauvres. Depuis qu’il est Maire, il refuse, dans les soirées officielles, de mettre un œillet à la boutonnière tant que d’autres hommes ont faim. Un soir, les frères du couvent de San Marco durent lui prêter les sandales du Père gardien. Il les garda aux pieds jusqu’à ce que la Providence lui eût envoyé des souliers.

La Pira a dû accepter l’hospitalité d’un docteur de ses amis, qui lui avait préparé une chambre chauffée l’hiver, dans sa clinique. Mais ses habitudes n’ont guère changé, sauf qu’il travaille – et pour cause – dans un bureau somptueux du Palazzio Vecchio, où il a fait placer une cage à oiseaux et un aquarium.

Il estime que l’amour et la prière sont nécessaires à l’administration municipale. L’Evangile ne parle-t-il pas de la multiplication des pains ? Et il fait construire 4000 logements, tout en essayant d’éliminer le chômage, grâce aux chantiers des travailleurs.

– Il y a des villes – Florence, Rome et Paris – qui ont une vocation, comme les hommes, dit-il. Elles ont une mission spirituelle de civilisation. Il faut la défendre.

Gilbert Ganne

Dans la revue « France Catholique » 1953.

L’action prophétique de Giorgio La Pira

Le mercredi 9 janvier 1991, en l’église romaine de Sainte Marie in Vallicella, celle-là même qui fut celle de saint Philippe Neri, une Messe était célébrée par le cardinal Silvestrini, préfet du Tribunal de la Signature apostolique à l’occasion du 40ème anniversaire de l’engagement total de Giorgio La Pira à la cause de la paix. C’est en effet le 6 janvier 1951, devait rappeler le cardinal Silvestrini, dans cette église, que Giorgio La Pira, prenant au sérieux les paroles de la Vierge aux enfants de Fatima, le 13 juillet 1917, sur la conversion de la Russie, la paix dans le monde et le triomphe de son Cœur Immaculé décide de consacrer sa vie à la réalisation de cette « prophétie ».

Celle-ci constituait pour lui « comme un chapitre nouveau, un nouveau tournant de la théologie de l’histoire » car l’histoire de l’humanité ne coïncide absolument pas « avec l’histoire de la lutte des classes de Marx ».

le mystère de l’histoire

Toute une série d’initiatives furent prises par La Pira élu maire de Florence le 10 juillet 1951 en fonction de cette vision prophétique de l’histoire. Une vision qu’il définissait lui-même, en quelque sorte, dans un message du 6 janvier 1956 par lequel il annonçait que le V° Congrès international pour la paix et la civilisation chrétienne qui devait se tenir en juin de cette même année à Florence aurait pour thème « Histoire et prophétie » : Le mystère de Dieu est sous-jacent à l’histoire des hommes : mystère qui la traverse toute, qui la finalise toute, qui la fait évoluer selon un dessein unique qui embrasse la série complète et entière des siècles et des générations ». Se référant au Message de Noël 1955 de Pie XII, La Pira explique que la volonté du Père céleste est une volonté de paix et de reconstruction : « Ne pas détruire par la guerre les valeurs de l’homme qui sont aussi des valeurs de Dieu ; ne pas détruire par la guerre les villes des hommes qui sont aussi rassemblées autour de l’église – ébauches et préfiguration de la cité de Dieu. Mais au contraire, bâtir : remettre en ordre les pierres de la ville détruite, comme dit Isaïe (44,11), bâtir les temples et les monastères pour que Dieu y soit adoré avec pureté de cœur et dans l’innocence de la vie et bâtir les maisons, les usines, les écoles, les hôpitaux, labourer les champs, planter les vignes, le blé, l’olivier comme dit la Sainte Ecriture. »

Giorgio La Pira était né le 9 janvier 1904 à Pozzallo, dans la province de Raguse, en Sicile. En 1922, il commence ses études de droit à Messine, mais il passera son doctorat en 1926 à Florence où il s’est fixé pour suivre son professeur de droit romain. En 1927, il est chargé d’un cours élémentaire d’histoire du droit romain à l’Université de Florence puis, en 1933, il est nommé à la chaire des Institutions du droit romain de cette même Université. Une charge qu’il occupera jusqu’en 1974.

La foi d’un apôtre

En 1934, La Pira prend l’initiative de faire célébrer chaque dimanche une Messe pour les pauvres au cours de laquelle il leur explique l’Evangile et leur distribue du pain et d’autres aliments.

En 1946, il est élu à l’ « Assemblée constituante italienne » où il est membre de la sous-commission des « Droits et devoirs du citoyen » avec Moro, Dossetti, Basso et Togliatti. Elu député en 1948, il est élu maire de Florence en 1951, l’année même où il avait décidé de se consacrer à la cause de la paix et de la réconciliation entre les nations. Il commence alors à écrire aux religieuses cloitrées pour leur demander de soutenir son action de leurs prières.

En cette même année 1951, il intervient auprès de Staline en faveur de la Corée déchirée par la guerre… En 1952, il inaugure à Florence les Congrès pour la Paix et la civilisation chrétienne qui se tiendront jusqu’en 1956 et qui donneront notamment – comme il me l’avoua lui-même – une audience internationale au futur cardinal Daniélou…

Dans le même temps, La Pira construit à Florence le nouveau quartier de l’Isolotto, sauve une entreprise florentine menacée de fermeture et transforme en coopérative une fonderie mise en liquidation par ses propriétaires. Il entreprend d’écrire à Noël et à Pâques aux enfants des écoles élémentaires de Florence pour leur expliquer ce qui se passe dans leur ville. En 1955, il convoque un Congrès des Maires des capitales du monde qui se tient au Palais de la Signoria du 2 au 6 octobre. A ces représentants de Moscou et de New-York, de Jérusalem et de Rome, de Paris et de Varsovie, La Pira faisait une véritable leçon de théologie sur la ville et il emmenait, le jour de la fête de saint François d’Assise, tout le monde à la Messe en la Basilique Santa Croce…

En 1958, il organise un premier Colloque pour la Méditerranée et, le 4 octobre, il emmène encore à la Messe les représentants des nations chrétiennes, ceux des pays musulmans et ceux d’Israël. Tous y entendent un Message de Pie XII qui devait mourir quelques jours plus tard.

Un pont Fatima-Moscou

De plus en plus convaincu que « le problème le plus dramatique et urgent de notre temps est celui de la résurrection chrétienne de la Russie » et que de la solution de ce problème dépend la paix du monde, il décide de se rendre à Fatima où il arrive le 13 juillet, et là, il forme le « projet d’un pèlerinage en terre russe ».

Fatima qu’il qualifie d’ « authentique Paradis de paix et de grâce, de beauté et d’amour » constituait pour lui « une piste de départ pour un pèlerinage plus ardu, à savoir un pèlerinage dans les terres chrétiennes de la Russie, à Kiev, à Moscou, auprès des tombes et des autels des grands évangélisateurs des peuples slaves, saint Cyrille et saint Méthode et de tant d’autres ». Avant de se rendre à Fatima, il avait voulu se rendre à Reims « berceau de la France chrétienne » et à Milan auprès du cardinal Montini où naquit son projet de pèlerinage à Moscou. Il sera enfin dans cette ville le15 août pour établir un pont de prière et de paix entre ces deux piliers que sont Fatima et Moscou ».

Le 17 août, il est reçu au Kremlin par le Soviet suprême. Il arrive une demi-heure en retard parce qu’il est allé tout seul à la Messe et qu’il s’est égaré ensuite. Il parle du pont de prières entre l’Occident et la Russie qui doit reposer sur les deux piliers de Fatima et de Moscou et il pose aussitôt le problème de la liberté religieuse, base nécessaire de toutes les autres libertés des hommes…

Paris, Lourdes, Paray-le-Monial

Le 16 décembre 1959, à l’invitation du centre Richelieu que dirigeait alors l’abbé Jean-Marie Lustiger, il venait spécialement de Florence à Paris pour s’adresser aux étudiants de la capitale, comme l’avaient fait les deux jours précédents Marcelle Auclair et le père Jean Daniélou et les préparer à leur « montée » priante de Notre-Dame au Sacré-Cœur de Montmartre du jeudi 17 décembre : « Vous supplions venir faire conférence aux étudiants de Sorbonne sur l’Amour de Dieu, le 16 décembre, à 18 heures », lui avait-on télégraphié de Paris. Il avait aussitôt répondu par un autre télégramme : « Dunque devo venire, e percio, verro », c’est-à-dire « Puisque je dois venir, je viendrai ».

Pour la première fois donc, celui qui avait pris à la lettre le sermon sur la montagne et qui appliquait les exigences des béatitudes aux domaines les plus concrets et les plus brûlants de la vie contemporaine, parla aux étudiants parisiens de « l’Amour qui bouleverse le monde ». L’année précédente, La Pira était venu en pèlerinage à Lourdes et à Paray-le-Monial.

Année cruciale pour l’Italie qui risquait de basculer dans le communisme. 1958 était aussi l’année du centenaire des apparitions de Lourdes. Le 11 février, La Pira vint prier auprès de la Grotte avec Amintore Fanfani. « Il faut que vous, vous mettiez les mains dans cette situation, autrement, rien à faire », dit La Pira à la Vierge. Il explique : « La situation italienne était alors très incertaine, et le résultat des élections très incertain aussi ». La Méditerranée tout entière est « sous la pression terrible de l’athéisme ». Le 11 février, à la demande de La Pira, les cloîtres du monde entier ont prié pour la guérison des nations et La Pira qui est réélu député en mai constatera qu’« il y a une immense fermentation vitale, quelque chose de mystérieux, une renaissance de grâce et d’espérance qui, partout fleurit… » Sur ce, il reçoit une invitation à participer aux Assises de prière et de pénitence des Hommes du Sacré-Cœur les 12 et 15 juillet. Coûte que coûte il faut qu’il y aille « parce que les deux choses sont liées intimement ; le pèlerinage à Lourdes avec cette fermentation mystérieuse ».

Pour la conversion de la Russie

« Il faut vraiment du fond de l’âme, expliquera-t-il, remercier le Cœur du Christ Jésus qui nous appelle comme peuples et comme nations pour répandre l’Eglise dans le monde entier. Il faut qu’elle aille au-delà du Rideau de Fer, dans les pays qui sont sous la pression communiste ». « Cette nouvelle Histoire de l’Eglise a, comme point de départ, cette renaissance de beauté, de grâce, de fraternité de la France, de l’Italie, de l’Europe chrétienne et des nations chrétiennes, parce que le passé, c’est le présent en fonction de l’avenir ». Me prenant à part ce jour-là à Paray-le-Monial, Giorgio La Pira m’entraîna avec lui et me conduisit au Couvent de la Visitation où il s’entretint au parloir avec la supérieure. J’eus alors l’impression inoubliable d’assister à un colloque spirituel tel que saint François d’Assise en avait avec sainte Claire…

La Pira, qui avait fait venir le monde entier à Florence, a parcouru lui-même le monde entier, toujours porteur du même message. Ses activités et initiatives continuèrent jusqu’à la fin de sa vie d’homme d’action et d’homme de prière. Un homme qui confessait aussi, dans une conférence prononcée le 10 avril 1974 en l’abbaye de Fossanova où sept siècles plus tôt était mort saint Thomas d’Aquin en route pour le Concile de Lyon : « En quarante années d’expériences scientifiques, culturelles, politiques, constitutionnelles, la pensée de l’Aquinate saint Thomas d’Aquin nous a illuminés et nous a guidés comme une étoile sur notre chemin et dans notre espérance. Cette lumière nous a permis de traverser avec une certaine sécurité intellectuelle et historique la période en un certain sens la plus obscure de l’histoire du monde. »

Giorgio La Pira est réélu député de Florence avec une majorité de trente mille voix, le 20 juin 1976.

Il mourait à Florence le 5 novembre 1977. Le 9 janvier 1986, le cardinal Pionvanelli, ouvrait le procès pour la béatification de celui que le peuple appelle «il santo».

Georges Daix l’Homme Nouveau 3 février 1991

Giorgio La Pira

1904-1977

A partir de sa biographie « officielle » pour la cause de béatification

Giorgio La Piraconnut le fascisme en Italie, la seconde guerre mondiale en Europe, la guerre froide avec menace nucléaire Est-Ouest, la décolonisation, l’activation du conflit israélo-palestinien, le Concile Vatican II.

De Sicile en Toscane

Giorgio La Pira est né le 9 janvier 1904 à Pozzallo en Sicile, il a été baptisé le 7 février. Il est l’aîné d’une famille modeste, de six enfants. De 1909 à 1913, il fréquente l’école élémentaire. Distingué par ses enseignants pour ses qualités intellectuelles et humaines, il fréquente l’Institut technique commercial. En 1922, il bénéficie d’une formation classique intense qui lui donne d’accéder aux études de droit à l’université de Messine.

Hébergé pendant ses années de collège chez un oncle libre penseur, il vit loin de la foi. Pâques 1924 constitue pour lui un moment de grâce particulière. Il a 20 ans :

« Quelle ineffable douceur, crois-le, pour les âmes qui, avec foi et désir, accostent à la Sainte Communion : c’est une aube nouvelle pour la vie. Je n’oublierai jamais cette Pâques 1924 au cours de laquelle j’ai reçu Jésus Eucharistie : je ressentis dans mes veines circuler une innocence d’une telle plénitude que je ne pouvais contenir le chant et le bonheur sans mesure. ». (Lettre de septembre 1933).

Le 30 juin 1926, il soutient avec grand succès une thèse en droit romain à Florence. Il la publie en la dédicaçant « à Contardo Ferrini, qui par tous les chemins m’a reconduit à la Maison du Père ». En 1927, il étudie à Vienne et Monaco, puis revient à Florence qui désormais devient sa ville.

Sa vocation à la suite de St Dominique et de St François

A son arrivée à Florence, le jeune Giorgio entre en relation avec les frères dominicains du couvent San Marco. Le 11 décembre 1927, il devient laïc dominicain, et va habiter pendant quelques années la cellule n°6 au couvent San Marco, lieu favorable à la prière et aux travaux.

En 1928 il se sent appelé à consacrer sa vie à faire connaître et aimer le Christ mort et ressuscité, dans la vocation qu’il discerne pour lui : le laïcat consacré. Il devient membre du futur Institut séculier franciscain « les Missionnaires de la Royauté du Christ » que fonde le Père Augostino Gemelli OFM, une communauté de laïcs consacrés à Dieu dans le service des hommes, insérés dans le Tiers-Ordre Franciscain. Il y prononce les vœux de pauvreté, d’obéissance et de chasteté. Saint François et son message de « paix et de bien » devient un point de référence essentiel et constant dans la vie de Giorgio La Pira.

« […] puisqu’il ne serait pas possible d’approcher directement le monde laïc -au moins certaines zones de celui-ci – par l’intermédiaire de la hiérarchie ecclésiastique, la miséricorde de Dieu pense l’approcher par l’intermédiaire du laïcat […]. Maintenant il n’y a pas de doute, parce que la chaire infaillible nous l’assure (cf. Encyclique Quas primas de Pie XI) : l’affirmation de la Royauté du Christ est une tâche principalement confiée à l’œuvre apostolique des laïcs, il est donc nécessaire que pour l’accomplissement de cette œuvre Dieu lui-même suscite et prépare des âmes… ». (Giorgio La Pira Vie de Louis Necchi 1932.)

En 1933, à 29 ans, il devient professeur titulaire de droit à l’Université de Florence. Il s’engage dans l’Action Catholique. Il nourrit une estime filiale au Cardinal Elie Dalla Costa, archevêque de Florence : pendant tout un temps, il le rencontre chaque soir et apprend de lui à lire les événements du monde et de l’Eglise à la lumière de la Bible.

A la même période, il fait la connaissance de Don Giulio Facibeni, figure charismatique de l’Eglise de Florence. Une profonde amitié nait entre les deux hommes. A Florence, disent les florentins, il y a trois saints: le Cardinal Dalla Costa (la foi), Giorgio La Pira (l’espérance), Don Facibeni (la charité). La cause de béatification de tous les trois est en cours !

En 1934, il rencontre Monseigneur Jean Baptiste Montini, futur Pape Paul VI : nait une profonde amitié qui durera jusqu’à la mort.

Pauvre parmi les pauvres

Son option en faveur des pauvres va comme de soi, il se sent l’un des leurs. Après la cellule à San Marco, son logement sera une chambre dans la clinique d’un ami puis déjà âgé, dans un foyer de jeunes travailleurs. En 1934, il crée avec Don Bensi, son confesseur, « la Messe des pauvres ». Elle a lieu, d’abord dans une église abandonnée, San Procolo, puis, vu l’affluence, dans plusieurs églises. Elle réunit les personnes les plus marginalisées par la misère, des intellectuels, des artistes, des jeunes de l’action catholique, pour célébrer l’Eucharistie, commenter l’Evangile et l’actualité du monde, prier avec ceux qui n’avaient pas les moyens de lire le journal ou d’écouter la radio et aussi pour partager le pain qui manque.

En 1935 et 1937 il fonde deux conférences de saint Vincent de Paul, puis s’occupe de l’ensemble des conférences de la région.

L’entrée en politique d’un chrétien, « pour la paix, la justice et le développement ».

Intellectuellement bien préparé, doté d’une grande intelligence et d’une capacité de travail étonnante, il puise à plusieurs sources : les Pères de l’Eglise, la Somme de saint Thomas d’Aquin, point d’ancrage capital pour lui, l’Ancien Testament et particulièrement Isaïe, l’Evangile, et aussi le Code de Justinien, des philosophes, des économistes et des sociologues. Son art est de savoir articuler entre elles ses références pour engager et conduire l’action de façon pertinente, en créant si nécessaire la structure pour la porter et la développer.

En 1939 il fonde et dirige Principi, unerevue antifasciste, qui défend la valeur de la personne humaine et la liberté. La revue est interdite dés l’année suivante. A partir du 29 septembre 1943, date de la perquisition nazi-fasciste du Couvent San Marco, il doit vivre dans la clandestinité. Il met à profit cette période pour construire avec un groupe d’universitaires catholiques, dont Aldo Moro et Amintore Fanfani, des propositions chrétiennes pour la reconstruction de l’Etat après la guerre.

En 1946, élu Député à l’Assemblée constituante, il formule avec Aldo Moro et d’autres les principes fondamentaux de la Constitution de la République, affirmant les libertés civiles et religieuses, le droit au travail, la valeur de la personne humaine. Sa contribution à l’élaboration et l’approbation de l’Art.7, relatif aux rapports entre l’Etat et l’Eglise fut déterminante.

« La tâche que le peuple italien nous a confiée est celle de construire sur la pierre… Et la pierre est justement cette nature humaine que révèle l’Evangile. C’est seulement sur cette pierre que nous pouvons édifier une cité humaine faite pour les hommes qui veulent vraiment se reconnaître frères. Dans cette œuvre, pas facile, que la bénédiction de Dieu et l’aide maternelle de Marie Immaculée nous confortent. ». (Giorgio La Pira. Architecture d’un état démocratique (1948)).

En 1948, il est élu à la Chambre des Députés et nommé Sous-secrétaire d’Etat au Travail dans le ministère de De Gasperi Il se distingue dans le soutien aux ouvriers dans les graves revendications syndicales de l’Italie de l’après guerre. Il démissionne du Gouvernement au bout de deux ans, en raison de désaccords sur le programme économique et certaines réformes.

Le 15 avril 1950, alors que la crise sociale s’amplifie en Italie, il publie un numéro spécial de la revue Chroniques sociales intitulé L’attente des pauvres gens.

Enseignant à l’université, acteur social, formateur de jeunes, rédacteur d’articles pour diverses revues, il est une personne connue à Florence. Les responsables locaux de la Démocratie chrétienne lui demandent d’être candidat aux élections municipales.

Le 5 juillet 1951, Giorgio La Pira est élu Maire de Florence. A plusieurs reprises élu Député, il choisira toujours, en cas de cumul de mandats, celui de Maire.

En sa qualité de Président du Conseil Supérieur de Toscane de la Conférence Saint Vincent il entreprend une correspondance avec tous les Monastères cloîtrés féminins, leur envoyant une aide économique, avec la collaboration du Ministère de l’Intérieur, pour subvenir à l’état de grande souffrance dû à la guerre.

Avec le sauvetage de la Pignone, une entreprise de mécanique que ses dirigeants voulaient fermer, il montre que le rôle de Maire ne se limite pas à « s’occuper des fanfares ». Il soutient le juste mouvement des 2000 ouvriers en grève et négocie avec fermeté avec le Ministre de l’Intérieur, son ami Amintore Fanfani. La Pignone sera sauvée. Cette action fait évoluer les rapports entre l’entreprise et les pouvoirs publics jusque dans la théorie économique.

« Il n’y a pas d’argent ? quelle formule hypocrite et fausse, il n’y a pas d’argent pour les pauvres, voilà la formule complète et vraie ! […]Observer 2000 chômeurs effectifs et 2000 potentiels, en me consolant avec les exigences de la ’conjoncture économique’ et du ‘ne pas donner de prétexte aux communistes’? […] Il ne faut pas dire qu’il faut être prudent. Il y a un moment dans la vie où crier est le seul devoir, comme saint Jean au désert (Mat 3-3). De qui craindre ? Quand l’humiliation et l’offense faites aux faibles atteignent le degré qu’elles ont atteint, il ne reste plus que l’indignation, ardente, généreuse, fière pour soutenir la personne humaine du faible, ainsi offensée et ainsi dépréciée. ‘C’est à moi que vous l’avez fait’. ». (Lettre La Pira, maire de Florence, à Amintore Fanfani, ministre de l’intérieur. 27 novembre 1953.)

Giorgio La Pira avait une haute idée du rôle de la Cité. Son œuvre de Maire a été remarquable en matière de reconstruction, de construction d’infrastructures urbaines et sociales, d’éducation, d’action sociale et de culture. Il lui a fallu un grand courage politique pour affronter ses alliés les libéraux pour cette première élection. Ils contraient sa politique sociale et menaient contre lui des campagnes de presse parfois insultantes. A chaque élection cependant, les Florentins ont été plus nombreux à lui accorder leur confiance.

La paix du monde promue depuis Florence

En quittant Rome, Giorgio La Pira n’a pas abandonné son projet d’une action politique d’envergure au service de la paix. Il la conduira à partir de Florence, ville du Concile de Florence de 1439, à l’issue duquel l’Orient et l’Occident, pour une courte durée il est vrai, avaient réussi à s’accorder. Ville d’une autre Florentin aussi : Savonarole.

En 1948, il écrit à Fioretta Mazzei, avec qui il entretient une correspondance spirituelle :

« Ce tissu aussi intense de choses dans lequel la Providence m’a désormais presque définitivement placé a dans son fond une essence de grâce et de paix ; sa tâche est ainsi définie (me semble-t-il) : vivre au milieu de la mêlée, entre les deux parties qui se querellent pour porter aux uns et aux autres une parole qui pacifie et unit, faire des ponts, ne rien lâcher de son but pour faire prévaloir la solution de paix et de fraternité sur tout autre et laisser dans l’âme de chacun une douce espérance, une amitié de base… ».

Giorgio La Pira s’appuie sur un réseau de relations établies avec le monde politique italien, des parlementaires, des chefs d’Etat, des membres de gouvernements, des diplomates et des intellectuels de nombreux pays. Des milliers de moniales prient pour ses initiatives.

En 1952, en pleine « guerre froide » opposant le bloc de l’Est et celui de l’Ouest avec la menace de recours à l’arme atomique, il initie des Congrès sur la paix. De 1952 à 1956, il réunit des Colloques pour la paix et la civilisation chrétienne auxquels participent des pays des deux blocs, des pays arabes de la Méditerranée, Israël, puis des pays du Tiers Monde, et le Saint Siège.

En 1955, pour Noël et Pâques, il envoie des lettres aux garçons et filles des écoles élémentaires et moyennes, aux malades, aux religieuses, pour parler de la ”vocation” de leur Cité et pour expliquer les réalisations de l’Administration et ses choix politiques.

La résonance à son discours de Genève au Congrès International de la Croix Rouge en 1954, le décide à convoquer à Florence une “Réunion des Maires des Capitales du Monde”. Il associe à part entière les « nouveaux pays » à cette initiative. En octobre 1955, pour la première fois, des Maires des grandes villes de 38 pays, dont Moscou, Varsovie, Belgrade, New York, Washington, mais aussi Téhéran, Karachi, Jérusalem, Pékin, New Delhi, Lima… y participent. Des Maires du monde occidental et du monde oriental se sont ainsi rencontrés, se sont parlés, et ont signé un pacte de paix. Parmi eux le Maire de Moscou, présent à la Messe célébrée par le Cardinal Dalla Costa dans la Basilique franciscaine de la Sainte Croix.

Durant cette Administration, Giorgio La Pira promeut les jumelages entre des villes significatives, comme Reims et Fez, avec l’intention de créer un système de ponts comme instruments d’édification de l’unité des peuples.

En 1957, il se rend en pèlerinage en Israël, en Egypte et en Jordanie, puis entreprend une série de voyages au Maroc, en Tunisie, au Liban et en France. Les évènements qui se déroulent en Méditerranée (Maghreb et Moyen-Orient) le préoccupent. Le 17 septembre, fête des Stigmates de saint François, il accompagne au Mont Alverne le second fils de Maometto V, prince Moulay Abdallah, “pour rendre la visite que Saint François fit au Sultan d’Egypte” et en souvenir de la double tentative de François de rencontrer le Sultan du Maroc.

Dès 1958 débute la série des Colloques méditerranéens, pour « unir les peuples de la famille d’Abraham ». Ils se situent sur une ligne liant la paix au développement. En marge du premier colloque ont eu lieu les premières discussions entre les représentants français et algériens, qui mèneront aux accords d’Evian (1962) sur l’indépendance de l’Algérie. Puis ces colloques se sont ouverts aux peuples sub-sahariens sur le thème « Unité et égalité de la famille humaine ».

En 1959, il fait un voyage en URSS à Moscou, à l’invitation de Kroutchev. Il s’est exprimé devant le Soviet suprême, plaidant pour une politique de détente et pour la liberté religieuse, source de paix. Malgré les remarques suscitées dans la Pravda sur son propos, ses échanges avec Kroutchev ont continué. La classe politique italienne, opposée à son orientation, a désapprouvé cette initiative qui n’entrait pas dans ses plans. Mais Mikhail Gorbatchev, dans la préface de l’édition de 1996 du Sentier d’Isaïe (un recueil de textes de La Pira) a mentionné l’impact positif en URSS de ce voyage peu commun de l’autre côté du rideau de fer. Avant de se rendre à Moscou, il est allé en pèlerinage à Fatima, pour demander la protection de la Vierge, et écrit aux Monastères féminins de clôture pour demander leur prière.

Homme de paix reconnu, Giorgio La Pira a été invité à intervenir dans de nombreuses instances : Congrès international de la Croix Rouge à Genève en 1954, Journée internationale de Florence le 14 mai 1955, réunion des Tables Rondes Est-Ouest de Moscou, Florence, Belgrade, Paris, sessions de l’UNESCO et beaucoup d’autres.

L’action internationale de Giorgio La Pira et l’Eglise

Giorgio La Pira a toujours confessé sa foi avec une grande simplicité, non pour convaincre mais parce que c’était pour lui une réalité. Son propos a d’ailleurs été bien accueilli par ses interlocuteurs, croyants et incroyants, à cause de son désintéressement, de la cohérence de sa vie et de sa vision du monde qui n’était pas altérée par les préjugés et les petits calculs. Dans ses interventions publiques il citait les Ecritures et donnait à l’action politique une visée et un fondement chrétiens.

Dès lors qu’il engageait en quelque sorte implicitement l’Eglise catholique en liant son action personnelle à sa foi, il a toujours informé la hiérarchie de l’Eglise de ses projets. Sa correspondance suivie avec les Papes Pie XII, Jean XXIII et Paul VI en témoigne et a contribué au cheminement de l’Eglise sur plusieurs sujets tels que la place des laïcs ou celle du Tiers Monde. Il ressort de la lecture des lettres rendues publiques, que Giorgio La Pira exposait au Pape les objectifs et les modalités de ses projets, en lien avec les exigences évangéliques. S’il ne lui demandait pas l’autorisation d’agir dans le domaine de l’ordre temporel, c’est qu’il était conscient de sa vocation et de sa mission de laïc confirmées par l’Eglise.

A l’occasion de ses voyages, il rendait visite aux autorités religieuses des pays visités. Par une lettre adressée à Jean XXIII en 1960, au retour d’un voyage en Egypte, nous apprenons comment il a été à l’origine de la future rencontre entre Paul VI et le patriarche Athénagoras.

« J’ai vu tous les patriarches (catholiques et séparés), tant au Caire (Coptes) qu’à Alexandrie (Grèce) qu’à Istanbul, la conclusion ? La ’barque de Dieu’ est en plein mouvement, la proue est tournée vers un seul point : l’unité de l’Eglise… Vendredi soir, le patriarche Athénagoras m’a dit : nous avons besoin d’aller voir le Saint Père, nous Patriarches, le moment de voyager tous unis est venu…Et il m’a dit : faites le savoir au Saint Père. Nous désirons être reçus par lui…nous sommes à un tournant historique, nous ne pouvons pas être désunis ».

Lettre à Jean XXIII 1960 Fondation Giorgio La Pira.

Vatican II

Giorgio La Pira a accueilli avec beaucoup d’enthousiasme la convocation par le Pape Jean XXIII du Concile Vatican II et la poursuite des travaux par Paul VI.

« Comment je le vois ? Comment je me le représente ? Avant tout, comme saint Jean dans l’Apocalypse…Et vers cette cité précieuse qui descend du ciel, de Dieu, et qui porte en elle la gloire de Dieu (Ap. 21-14), qui brille comme une pierre précieuse, comme une pierre de jaspe, tous les peuples et toutes les nations de la terre sont venus (Ap. 21-24,26) […] Cherchons à faire converger notre attention intérieure et notre prière fervente vers lui […] cherchons ainsi à préparer les chemins du Concile à l’Esprit Saint qui veut répandre sur l’Eglise et sur les peuples ces divins dons de grâce, d’unité, de paix, d’élévation pour introduire tous les peuples dans un printemps et un été historiques pour faire fleurir ainsi tous les peuples… ». (Lettre du 16 août 1962 aux moniales cloîtrées. Fondation Giorgio La Pira.)

Le 28 septembre 1962, il ouvre un cycle de conférences théologiques de haut niveau en préparation au Concile, au Palazzo Vecchio, avec notamment les pères H. Feret, J. Danielou, Y. Congar, E. Balducci. Le 4 octobre, lors de la cérémonie de clôture à Santa Maria Novella, retransmise par la RAI (radio-télévision italienne) à une époque où les images étaient encore assez rares pour marquer les esprits, en présence de nombreux invités, le Président de la république du Sénégal, Léopold Sedar Senghor a adressé aux Pères conciliaires un message en faveur de la paix, de la fraternité et du dialogue, consacrant ainsi la place des « peuples nouveaux » dans le processus en cours dans l’Eglise et le lien entre paix et développement. 

Spes contra spem

Les initiatives de Giorgio La Pira n’ont pas toujours rencontré l’approbation ni le succès. L’élaboration de démarches originales, la nécessité de convaincre, la préparation de toutes ces réunions internationales lui demandaient une somme de travail considérable et la réalisation de nombreux déplacements lointains dans des conditions souvent précaires. Ajoutées à celles de sa fonction quotidienne de Maire à laquelle il était entièrement dévoué, les fatigues qui en résultaient l’ont parfois terrassé, mais pour peu de temps. Son indéfectible espérance l’a porté à ne jamais renoncer à promouvoir la paix, don de Dieu, et à en rechercher inlassablement les chemins.

Sa politique sociale à Florence a progressé au prix de conflits qui l’ont parfois laissé meurtri, mais il a toujours préféré le bien commun à son confort. Largement élu pour la quatrième fois Maire de Florence en tête des candidats aux élections municipales des 22 et 23 novembre 1964, il renonce définitivement en mars 1965 au mandat de Maire, du fait du climat politique et des conflits entre les courants de son parti. Ce fut douloureux pour lui.

Cette même année, après avoir organisé à Florence en avril un grand Symposium international sur la question du Viet-Nam et du Sud-Est asiatique, à l’automne il s’est rendu au Viet-Nam où il a rencontré le 11 novembre le Premier Ministre Pham Van Dong et le Président Ho Chi Minh. Il en est revenu avec une proposition de paix qu’il devait soumettre secrètement au Président de l’Assemblée Générale de l’ONU d’alors, Amintore Fanfani et au Président des Etats Unis. Ho Chi Minh acceptait de négocier sous réserve de l’arrêt des bombardements, sans exiger le retrait des troupes américaines. Pour des raisons qui sont encore mal connues, cette proposition a été divulguée dans un journal américain, entraînant le désaveu de La Pira par Ho Chi Minh. Cette affaire a jeté le discrédit sur Giorgio La Pira qui connut une période d’isolement, même si Fanfani l’a publiquement soutenu. Il a dû attendre 1973 pour être réhabilité sur ce dossier : à l’ouverture de la conférence de paix de Paris, il a été le seul occidental invité par le chef de la délégation nord-vietnamienne, et les discussions ont débuté sur les bases qu’il avait proposées 8 ans plus tôt. Mais entre temps, la guerre avait fait des milliers de victimes innocentes.

En 1967 il est élu Président de la Fédération Mondiale des Cités Unies (FMCU) avec son siège à Paris. Organisation reconnue par l’ONU. Avec pour slogan “Unir les cités pour unir les nations”. La Fédération est considérée par lui comme l’autre face institutionnelle et intégrative des Nations Unies.

La “guerre des six jours” qui éclata en juin entre Israël et les Etats arabes voisins porta dramatiquement sur la scène mondiale le problème de la paix au Moyen-Orient et mis en évidence la croissance de l’autonomie et l’importance pour la politique internationale des mouvements palestiniens réunis autour de l’OLP.

Entre Noël 1967 et l’Epiphanie 1968 il accomplit le même voyage-pèlerinage qu’il y a dix ans avec les mêmes buts : la paix et les Colloques. Il se rend, avec Giorgio Giovannoni, d’abord en Israël, puis en Egypte où il eut de longs entretiens avec le Ministre des Affaires Étrangères d’Israël Abba Eban, avec le Président égyptien Nasser et avec les Maires de Hebron, de Bethléem et les représentants palestiniens de Jérusalem Est dans la Cisjordanie occupée.

En 1968 il participe à Tunis au Congrès mondial des jeunes de la FMCU et tient un discours sur la contestation, ajoutant « les jeunes sont comme les hirondelles, ils vont vers le printemps. » C’est l’année de mai 68. Il suit avec une attention spéciale les événements du Mouvement Etudiant. Il se rend à Paris plusieurs fois, pour parler aux jeunes réunis en assemblée à la Sorbonne, avec le metteur en scène Roberto Rossellini.

Comme Président de la FMCU, il est invité par le Maire de Prague à suivre les développements du « printemps tchécoslovaque ». Parmi toutes les rencontres, celle qui eut une importance particulière fut avec le Ministre des Etrangers Hayeck.

L’université de Florence le propose comme premier candidat au Prix Nobel de la Paix.

1969-1970 : durant ces années, Giorgio La Pira rend les villes adhérentes à la FMCU protagonistes du processus de détente est-ouest ouvert avec l’Ostpolitik de Willy Brandt; à Helsinki, à Stockholm, à Berlin Est, à Budapest, à Vienne, au Postdam il pose le problème de la reconnaissance de droit de la République Démocratique allemande et celle du désarmement nucléaire en Europe pour aider la détente, la paix et l’unité du continent européen en encourageant à tous les niveaux des villes et des Nations l’ouverture des travaux d’une Conférence pan-européenne.

Plusieurs fois à Paris, de nouveau à Stockholm, Helsinki, Moscou, où il a répété les contacts avec la délégation vietnamienne pour accélérer l’ouverture de la Conférence de Paris pour la paix au Vietnam. À Jérusalem, Tel-Aviv, Bethléem, Hébron il expose publiquement la « thèse triangulaire » (Israël, Palestine, État arabes) sur laquelle puisse être édifiée la vraie négociation pour la paix au Moyen-Orient.

Le Congrès de la FMCU se tient à Leningrad, et le système des ponts qui uni les villes prend de plus en plus consistance. Giorgio La Pira propose une nouvelle structure de jumelages : les jumelages coopératifs entre villes de l’Ouest, de l’Est, du Sud.

En 1968 une grave crise touche l’Eglise de Florence avec le cas de Don Mazzi et l’Isolotto. Au moment le plus délicat de cette crise, le 3 septembre 1969, Giorgio La Pira prend position nette en se rangeant du côté de l’Évêque, le Cardinal Florit. Ubi Petrus et episcopus ibi « Ecclesia » : par cette définition caractéristique, énoncée publiquement par Giorgio La Pira, la question de l’Isolotto prend une dimension différente. Comme toujours, dans ses choix, La Pira privilégie la fidélité et l’unité de l’Église aux sentiments personnels, même si cela comporte des souffrances. La valeur de l’attitude de La Pira dans le cas de l’Isolotto, qui lui valut des critiques de la part de quelques amis, fut mise en relief dans la déclaration du Cardinal Florit à l’occasion de la mort de La Pira: « … Le choix impopulaire fait par un tel homme il y a neuf ans, quand l’Eglise de Florence et son évêque eurent à souffrir des moments douloureux, n’étonne pas. Il me fut alors proche comme un frère et cela me fut une aide pour accomplir un pénible et fatigant devoir ».

En 1970, la clinique du Professeur Palumbo via Venezia dû fermer, et Giorgio La Pira s’établit près de l’Oeuvre pour la Jeunesse, fondée par Pino Arpioni, son collaborateur dans l’administration communale qui avait dédié sa vie à l’éducation chrétienne des jeunes. La proximité avec les jeunes rendit plus heureuse et encore plus engagée la vie de Giorgio La Pira dans ses dernières années de vie.

1971-1973. Les « conférences de convergence » pour lesquelles il avait tant œuvré durant ces dernières six années, se réalisaient: en juillet 1973 s’ouvrait à Helsinki la Conférence pour la Sûreté et la Coopération en Europe, CSCE ; à Paris s’ouvrait la Conférence sur la fin de la guerre et le maintien de la paix au Vietnam »; à Genève se déroulait dans le cercle de l’ONU une conférence pour le cesser le feu au Moyen-Orient après la quatrième guerre Arabo-israélienne (1973).

Infatigable fut encore l’activité de La Pira pour la réalisation de ces objectifs, et nombreux furent ses voyages: à Moscou, Varsovie, Bonn, Berlin, Budapest, Sofia pour l’Europe; au Caire, à Jérusalem, à Beyrouth pour le Moyen Orient; à New York et au Québec (Canada) pour le Vietnam.

Il se rend au Chili aussi dans la tentative de conjurer le coup d’État contre l’expérience de démocratie socialiste du Président Salvador Allende.

À Houston, il participe à un séminaire promu par la Fondation de Menyll entre des personnalités qualifiées de la culture et de la science, entre les premiers prix Nobels convoqués pour discuter pendant trois jours sur le thème « Projets pour le futur ».

Au Zagorsk, en URSS, La Pira rencontre le Patriarche de l’Église Orthodoxe Russe Pimen et le Chef de Département des Affaires Étrangères Nikodim. Le sujet de l’entretien fut l’unité des Églises chrétiennes.

En décembre 1973 il est à Dakar où s’achève son mandat de Présidence de la FMCU. Il est confirmé Président pour la troisième fois.

1974-1975 : il est invité à Paris à la cérémonie pour la conclusion des accords pour la paix au Vietnam.

Pendant qu’il suit de Paris et de Florence les multiples événements des « Conférences de la convergence », il se consacre avec un particulier engagement à la situation politique italienne en participant activement à la campagne pour le référendum sur le divorce et en suivant avec une préoccupation croissante les agitations déstabilisantes des complots noirs et les premiers avertissements terroristes des Brigades Rouges.

À la conclusion de la Conférence de Helsinki, en août1975, il est invité en octobre par l’UNESCO à un Congrès qui définit la nouvelle carte de navigation des peuples européens.

En 1976, il s’engage fortement dans la bataille contre l’avortement en affrontant non seulement le problème du point de vue religieux mais aussi civil. Le 19 mars 1976 « L’observateur Romain » publie en première page son article, de grande tenue culturelle et religieuse, sous le titre : « Face à l’avortement. »

La situation politique italienne est grave, Contestations, scandales, terrorisme mettent en danger les institutions démocratiques elles-mêmes. Le Secrétaire National de la Démocratie Chrétienne, Benigno Zaccagnini demande de nouveau, par un pressant appel à La Pira d’être chef de liste à Florence pour les élections politiques. Malgré les problèmes de santé, Giorgio La Pira accepte de continuer la politique du désarmement, de l’unité et de la paix et pour affirmer la primauté des valeurs humaines et chrétiennes dans une société de plus en plus violente et matérialiste. Il est élu à la Chambre des Députés avec une forte majorité de 30.000 voix, et aussi au Sénat dans le collège de Montevarchi. Il opte pour la Chambre des Députés.

Le samedi 5 novembre 1977, Giorgio La Pira meurt à Florence dans la Clinique des Soeurs Anglaises via Cherubini. Peu de temps auparavant, il avait reçu une lettre autographe du Pape Paul VI. Ce fut pour lui sa dernière grande joie. Le sceau final de l’Église qu’il a si profondément et filialement aimée. Le Cardinal Giovanni Benelli, Archevêque de Florence, sera le premier à bénir son corps quelques minutes après sa mort. Tard dans la nuit, une Messe est célébrée dans sa chambre par Don Giuseppe Dossetti, en présence des familiers et des amis les plus proches.

Le lendemain, apprenant sa mort, les Florentins rendent un immense hommage au saint Maire.

Ainsi, jusqu’à la fin de sa vie, tant que la santé lui en a laissé la possibilité, il a œuvré pour la paix, participant aux rencontres internationales et instruisant de ces sujets les jeunes du foyer où il résidait à Florence.

La phase diocésaine de son procès en béatification ouvert le 9 janvier 1986, s’est achevée le 4 avril 2005.

Son cercueil a été transféré dans la basilique du couvent San Marco.

Quel fut le secret de sa vie et la motivation de son action ? Laissons la parole à Giorgio La Pira lui-même :

« L’oraison est l’unique racine de l’action apostolique, et quand je dis oraison, j’entends comme les saints l’ont entendu, cet état d’union ininterrompu avec Dieu que le Seigneur nous indique quand il dit : il convient de toujours prier et non pas dire [cf. Matthieu 6- 7…]. De même qu’aimer Dieu est un devoir auquel nous ne pouvons nous soustraire…ainsi aimer nos frères n’est pas un devoir qui peut rester inaccompli… ». (Article de Giorgio La Pira dans Vita cristiana (1938)).

« Voici ma vie : une vie d’union pacifique avec le Christ, d’apostolat, de paix intérieure, d’apostolat extérieur d’envergure limitée, dans les limites de la paix, de la douceur, de la suavité intime de l’âme ! Une vie toute centrée sur l’Eucharistie, pleine d’Esprit Saint, résumée dans une seule parole : repos en Dieu. » (Lettre du 27 mai 1947).

“Le petit cercueil de La Pira fut porté à bras d’hommes par le peuple florentin, comme ce fut le cas pour Don Giulio Facibeni et le Cardinal Elie Dalla Costa. Les petits et les grands, sans se l’expliquer, ont uni ensemble les trois personnages: un prêtre, un cardinal, un maire, tous trois complètement dépossédés de soi, et des choses du monde, tous trois autorisés à s’approprier le todo et le nada, le tout et le rien de Saint Jean de la Croix: ‘Pour posséder tout, ne posséder rien de rien. Pour être tout, n’être rien de rien…’.” (Monseigneur Loris F. Capovilla)

http://www.lapira.org/index2.php?file=onenews&form_id_notizia=20

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Bibliographie en langue française

– Espérer contre toute espérance, Giorgio La Pira. Par Elisabeth de Miribel Ed. Desclée de Brouwer (1992).En bibliothèque (ouvrage épuisé).

– Revue La Vie spirituelle Juillet 2006 : Giorgio La Pira, l’espérance au service de la politique

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2004, année du centenaire de sa naissance (ZENIT.org) 6 novembre 2003

« Nous voyons en Giorgio La Pira un modèle lumineux de sainteté laïque »: ce sont les paroles par lesquelles l’archevêque de Florence, le cardinal Ennio Antonelli, a évoqué le «Saint Maire», au cours de la Messe pour le 26° anniversaire de sa mort. Le cardinal a rappelé qu’en 1932 déjà La Pira avait affirmé: « La sainteté moderne de notre siècle aura cette caractéristique : ce sera une sainteté de laïcs. Nous croisons dans les rues ceux qui, d’ici cinquante ans, seront peut-être sur les autels : dans les rues, dans les usines, au Parlement, dans les salles des Universités ».

« Giorgio La Pira a centré toute sa vie sur le Christ et sur Dieu. Et pour cette raison il est saint. Ainsi, à partir du Christ et de Dieu, il a aimé passionnément le monde et les réalités terrestres. Et pour cela, il est un saint laïc », a poursuivi le cardinal Antonelli.

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DISCOURS DU PAPE FRANÇOIS A LA FONDATION GIORGIO LA PIRA

Vendredi 23 novembre 2018

Chers frères et sœurs,

(…) A une époque où la complexité de la vie politique italienne et internationale a besoin de fidèles laïcs et d’hommes d’Etat d’une grande valeur humaine et chrétienne pour le service du bien commun, il est important de redécouvrir Giorgio La Pira, figure exemplaire pour l’Eglise et pour le monde contemporain. Il fut un témoin enthousiaste de l’Evangile et un prophète des temps modernes; ses attitudes s’inspiraient toujours d’une optique chrétienne, tandis que son action était souvent en avance sur son temps.

Son activité d’enseignant universitaire, surtout à Rome mais aussi à Sienne et à Pise, fut variée et multiforme. A côté de celle-ci, il donna vie à diverses œuvres caritatives, comme la «Messe du Pauvre» à Saint Procule et la Conférence de Saint Vincent «Bienheureux Angelico». A partir de 1936, il demeura dans le couvent Saint-Marc, où il se consacra à l’étude de la patristique, dirigeant également la publication de la revue Principi, où ne manquaient pas les critiques du fascisme. Recherché par la police de ce régime, il se réfugia au Vatican, où il séjourna pendant un temps dans l’appartement du substitut Mgr Montini, qui avait pour lui une grande estime. En 1946, il fut élu à l’Assemblée constituante, où il apporta sa contribution à la rédaction de la Constitution de la République italienne. Mais sa mission au service du bien commun trouva son apogée pendant la période où il fut maire de Florence, dans les années cinquante. Giorgio La Pira choisit une ligne politique ouverte aux exigences du catholicisme social et toujours rangée du côté des derniers et des couches les plus fragiles de la population.

Il s’engagea aussi dans un grand programme de promotion de la paix sociale et internationale, avec l’organisation de congrès internationaux «pour la paix et la civilisation chrétienne» et avec de vibrants appels contre la guerre nucléaire. Pour la même raison, il effectua un voyage historique à Moscou en août 1959. Son engagement politique et diplomatique devint de plus en plus incisif: en 1965, il convoqua à Florence un symposium pour la paix au Vietnam, se rendant ensuite personnellement à Hanoï, où il put rencontrer Ho Chi Min et Phan Van Dong.

Chers amis, je vous encourage à garder vivant et à diffuser le patrimoine d’action ecclésiale et sociale du vénérable Giorgio La Pira; en particulier son témoignage intégral de foi, l’amour pour les pauvres et pour les personnes marginalisées, le travail pour la paix, la mise en œuvre du message social de l’Eglise et la grande fidélité aux indications catholiques. Autant d’éléments qui constituent un message valide pour l’Eglise et la société d’aujourd’hui, confirmé par l’exemplarité de ses gestes et de ses paroles.

Son exemple est précieux, en particulier pour ceux qui œuvrent dans le secteur public, qui sont appelés à être vigilants à l’égard des situations négatives que saint Jean-Paul ii a définies comme «structures de péché» (cf. Lett. enc. Sollicitudo rei socialis, n. 36). Celles-ci sont la somme des facteurs qui agissent dans le sens contraire de la réalisation du bien commun et du respect de la dignité de la personne. On cède à ces tentations quand, par exemple, on recherche exclusivement son profit personnel ou celui d’un groupe plutôt que l’intérêt de tous; quand le clientélisme l’emporte sur la justice; quand l’attachement excessif au pouvoir empêche de fait le renouvellement générationnel et l’accès à de nouvelles recrues. Comme le disait Giorgio La Pira: «La politique est un engagement d’humanité et de sainteté». C’est donc une voie exigeante de service et de responsabilité pour les fidèles laïcs, appelés à animer de façon chrétienne les réalités temporelles, comme l’enseigne le Concile Vatican II (cf. Décr. Sur l’apostolat des laïcs Apostolicam actuositatem, n. 4).

Frères et sœurs, l’héritage de Giorgio La Pira, que vous préservez dans vos différentes expériences associatives, constitue pour vous comme une «poignée» de talents que le Seigneur vous demande de faire fructifier. Je vous exhorte donc à valoriser les vertus humaines et chrétiennes qui font partie du patrimoine immatériel et aussi spirituel du vénérable Giorgio La Pira. Ainsi, vous pourrez, dans les territoires où vous vivez, être des acteurs de paix, des artisans de justice, des témoins de solidarité et de charité; être un ferment de valeurs évangéliques dans la société, surtout dans le monde de la culture et de la politique; vous pourrez renouveler l’enthousiasme de se dépenser pour les autres, en leur donnant la joie et l’espérance. Dans son discours, votre président a prononcé deux fois le mot «printemps»: aujourd’hui, il faut un «printemps». Aujourd’hui, il faut des prophètes d’espérance, des prophètes de sainteté, qui n’aient pas peur de se salir les mains pour travailler et aller de l’avant. Aujourd’hui, il faut des «hirondelles»: c’est vous.

Avec ces vœux que je confie à l’intercession de la Vierge Marie, je vous bénis tous de tout cœur, ainsi que vos proches et vos initiatives. Et je vous demande, s’il vous plaît, de vous souvenir de prier pour moi. Merci!

***

Le 9 janvier 1896, jour d’anniversaire de la naissance de Giorgio La Pira, le Cardinal Silvano Piovanelli, archevêque de Florence, a ouvert la phase diocésaine de son procès en béatification.

Le 5 juillet 2018, le Pape François a autorisé la Congrégation pour la Cause des Saints à publier le décret concernant le reconnaissance des vertus héroïques de Giorgio La Pira.

Cela ouvre la voie à la béatification de l’homme politique italien.

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