1799-1862

Fondatrice de l’Œuvre de la Propagation de la foi

Franciscaine séculière

Printemps 1805. Au lendemain de la Révolution française, le Pape Pie VII, regagnant Rome après avoir couronné Napoléon à Paris, fait halte à Lyon. Antoine Jaricot, négociant en soie dans cette ville, en profite pour placer sa famille sur le passage du Pontife, implorant une bénédiction particulière. Pie VII pose ses mains sur la tête de la petite Pauline. Bénie par le Vicaire du Christ, cette enfant se distinguera très tôt par son amour pour Jésus et sa tendresse pour tous les malheureux.

Pauline Jaricot est née le 22 juillet 1799 à Lyon. Ses parents, Antoine Jaricot et Jeanne Lattier sont profondément chrétiens. Pauline écrira plus tard: «Heureux ceux qui ont reçu de leurs parents les premières semences de la foi. Soyez béni, Seigneur, de m’avoir donné un homme juste pour père, et pour mère une femme pleine de vertu et de charité». Six enfants forment déjà la couronne de cette famille, lorsque Pauline vient au monde.

Dans la cour de la maison familiale se trouve un puits profond. Un jour que sa mère vient de puiser un plein seau d’eau, Pauline, âgée de sept ans, s’inquiète: «Dis, maman, est-ce qu’il reste encore de l’eau dans le puits? – Mais oui, la source ne diminue pas. – Oh! que je voudrais avoir un puits d’or pour en donner à tous les malheureux, afin qu’il n’y ait plus du tout de pauvres et que personne ne pleure plus». À l’âge de dix ans, l’enfant est mise dans un pensionnat. «J’eus le malheur, reconnaîtra-t-elle, de me lier avec une compagne qui, n’ayant ni la candeur ni la simplicité de son âge, connaissait déjà les calculs et les artifices de la coquetterie. Elle me racontait toutes les «conquêtes» qu’elle croyait avoir réussies sur les coeurs». D’abord effrayée et troublée, Pauline sent bientôt naître et grandir en elle le besoin de plaire et d’être aimée. Heureusement, à l’approche de sa première Communion, elle se sépare de sa compagne douteuse: «Jésus-Christ triompha alors dans mon cœur, écrit-elle, et quand il fût décidé que je Le recevrais bientôt, je ne pensais plus qu’à Lui préparer une demeure qui ne fût pas trop indigne de Lui». Après un long examen de conscience, elle fait une bonne confession, puis reçoit Jésus-Hostie avec une immense joie. Le même jour, elle est fortifiée par le sacrement de Confirmation. Cependant, la belle société la tente encore. Elle apprécie les tenues élégantes et écoute avec complaisance les flatteries.

Un jour, Pauline tombe d’un escabeau; il s’ensuit une maladie étrange: elle marche comme une personne ivre, l’air égaré, et perd entièrement la parole. Sa mère, qui la veille jour et nuit, tombe elle-même gravement malade, puis meurt, loin de Pauline, le 26 novembre 1814, en offrant sa vie à Dieu pour sa fille. Cette mort est assez longtemps cachée à celle-ci pour qu’elle puisse recouvrer la santé. Avec la convalescence, Pauline retrouve son désir de plaire: parmi les jeunes filles de son milieu, elle se distingue comme la plus élégante. Pourtant, elle n’est pas heureuse: «Mon cœur éprouvait une soif ardente que rien ne calmait, parce que ce pauvre cœur, toujours esclave de la créature, ne trouvait qu’un vide infini dans une affection périssable, et une torture inouïe dans ses résistances à l’appel divin».

L’illusion de la vanité

Un des derniers dimanches du Carême 1816, un prêtre de grande vertu, l’abbé Jean Wendel Würtz, vicaire à la paroisse Saint-Nizier de Lyon, donne le sermon. Pauline est venue l’entendre, vêtue de sa belle robe de printemps. Les paroles du prédicateur sur les dangers et les illusions de la vanité mondaine conquièrent la jeune fille. Elle se reconnaît dans chaque détail du sermon. L’office terminé, elle se rend à la sacristie et s’ouvre à l’homme de Dieu. Après une confession générale, la pénitente, radieuse et baignée de larmes, est radicalement changée. Elle s’habille avec une robe violette très ordinaire, un bonnet blanc sur la tête. Mais, écrira-t-elle, «il m’était si terrible de briser avec mes habitudes de luxe et d’élégance que, les premiers mois de ma conversion, je souffrais cruellement quand je me montrais en public avec mon costume ridicule. J’évitais alors de regarder les jolies robes de mes amies; car ces choses avaient encore pour moi un si grand attrait, que jamais je n’aurais pu vaincre cette vanité, si je l’eusse ménagée».

L’âme purifiée, Pauline entend clairement l’appel à une vie plus parfaite. Elle s’adonne avec ferveur à la prière et à la pénitence, visite les pauvres et les malades dont elle panse avec beaucoup de délicatesse les plus répugnants ulcères. Elle refait le geste d’amour de saint François d’Assise, et devient sa disciple dans l’Ordre Franciscain Séculier. Elle organise un petit atelier de fabrication de fleurs artificielles, pour jeunes filles sans emploi. Dans la nuit de Noël, à la chapelle de Fourvière, Pauline se place devant l’autel de la Vierge Noire et offre sa vie à Dieu par le vœu de virginité perpétuelle. Gratifiée de nombreuses grâces célestes et douée d’un haut degré de contemplation et d’intimité avec le Seigneur, elle entend l’appel de Dieu à se consacrer au service des autres. Au contact du Christ dans la Sainte Eucharistie, des lumières profondes sur le mystère du Rédempteur lui sont communiquées; elle désire les transmettre à d’autres âmes. De fait, d’ardentes filles, ouvrières ou domestiques, partageant son désir de faire réparation au Cœur de Jésus inconnu et méprisé, se groupent autour d’elle.

La Propagation de la Foi

Les bouleversements de la Révolution ont tari les ressources et le recrutement des congrégations missionnaires. À la lecture des Bulletins des Missions Étrangères, Pauline s’émeut de la situation et commence à recueillir quelques aumônes pour les Missions. Après avoir prié et réfléchi, elle reçoit, en automne 1819, l’inspiration d’une œuvre d’aide aux Missions: «Un soir que je cherchais en Dieu le secours, c’est-à-dire le plan désiré, la claire vue de ce plan me fut donnée et je compris la facilité qu’aurait chaque personne de mon intimité à trouver dix associés donnant un sou chaque semaine pour la Propagation de la Foi. Je vis en même temps l’opportunité de choisir, parmi les plus capables des associés, ceux qui inspireraient le plus de confiance pour recevoir de dix chefs de dizaine la collecte de leurs associés, et la convenance d’un chef, réunissant les collectes de dix chefs de centaine, pour verser le tout au centre commun». Consulté, l’abbé Würtz lui dit: «Pauline, vous êtes trop bête pour avoir inventé ce plan… Évidemment, il vient de Dieu. Aussi, non seulement je vous permets, mais je vous engage fortement à le mettre à exécution!»

Malgré bien des oppositions et des incompréhensions, l’œuvre de la Propagation de la Foi se répand avec la rapidité de l’éclair, en France puis dans le monde entier, apportant aux Missions des secours considérables. Un conseil de gestion est créé. Pauline s’efface devant lui: «Je laissai à qui voulut le prendre, l’honneur de cette fondation divine dont l’inspiration était du Ciel». Dans sa prière, elle rend grâces à Dieu: «Vous avez jeté les yeux sur ce que vous avez trouvé de plus petit ici-bas, pour en faire l’instrument de votre Providence et procurer la gloire de votre adorable Nom, afin que nulle chair ne puisse se glorifier devant vous».

Le zèle intense de Pauline en faveur des Missions s’inspire directement de l’Évangile. Avant de monter aux Cieux, le Seigneur Jésus a envoyé ses disciples en disant: Allez dans le monde entier, proclamez l’Évangile à toute la création. Celui qui croira et sera baptisé, sera sauvé (Mc 16, 15-16; cf. Mt 28, 18-20). Ce mandat missionnaire révèle la bonté de Dieu qui veut que les hommes connaissent la vérité et soient sauvés (cf. 1 Tm 2, 4). En effet, «le salut se trouve dans la vérité. Ceux qui obéissent à la motion de l’Esprit de vérité sont déjà sur le chemin du salut; mais l’Église, à qui cette vérité a été confiée, doit aller à la rencontre de leur désir pour la leur apporter. C’est parce qu’elle croit au dessein universel de salut, qu’elle doit être missionnaire» (Déclaration Dominus Jesus, Congrégation de la Doctrine de la Foi, 6 août 2000, n. 22).

Pourquoi la Mission?

Pourtant, de nos jours, constate le Pape, «certains s’interrogent: la mission auprès des non-chrétiens est-elle encore actuelle?… Le respect de la conscience et de la liberté n’exclut-il pas toute proposition de conversion? Ne peut-on faire son salut dans n’importe quelle religion?… En remontant aux origines de l’Église, nous voyons clairement affirmé que le Christ est l’unique Sauveur de tous, Celui qui seul est en mesure de révéler Dieu et de conduire à Dieu… Car il n’y pas sous le ciel d’autre Nom donné aux hommes, par lequel nous devions être sauvés (Ac 4, 12). Cette affirmation, adressée par saint Pierre au Sanhédrin, a une portée universelle, car pour tous – Juifs et païens –, le salut ne peut venir que de Jésus-Christ… Cette révélation définitive que Dieu fait de lui-même (en Jésus-Christ) est la raison fondamentale pour laquelle l’Église est missionnaire par sa nature. Elle ne peut pas ne pas proclamer l’Évangile, c’est-à-dire la plénitude de la vérité que Dieu nous a fait connaître sur Lui-même. Le Christ est l’unique médiateur entre Dieu et les hommes (cf. 1 Tm 2, 5-7). Les hommes ne peuvent donc entrer en communion avec Dieu que par le Christ, sous l’action de l’Esprit. Sa médiation unique et universelle, loin d’être un obstacle sur le chemin qui conduit à Dieu, est la voie tracée par Dieu Lui-même» (Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris Missio, RM, 7 décembre 1990, n. 4 et 5). À la question: «Pourquoi la Mission?», le Saint-Père répond que dans le Christ, «et en Lui seulement, nous sommes libérés de toute aliénation et de tout égarement, de la soumission au pouvoir du péché et de la mort. Le Christ est véritablement notre paix (Ep 2, 14), et l’amour du Christ nous presse (2 Co 5, 14), donnant à notre vie son sens et sa joie» (RM, n. 11).

Avec les saints de tous les temps, Pauline a reconnu la nécessité de la Mission. L’oeuvre qu’elle a fondée se poursuit aujourd’hui: la Propagation de la Foi vient en aide à plus de 900 diocèses en Afrique, Asie, Amérique Latine, et Océanie, attribuant à chaque diocèse un subside ordinaire annuel et des subsides extraordinaires selon les besoins. L’argent vient de quêtes et de dons faits dans le monde entier et rassemblés à Rome.

Entre 1822 et 1826, la maladie ainsi que le besoin d’une plus grande intimité avec le Seigneur, forcent Pauline à se retirer dans le silence. Les lumières divines qu’elle reçoit alors la poussent de nouveau à l’action. Très attachée au Saint Rosaire, elle souhaite en propager la dévotion. Constatant que peu de personnes ont assez de temps et de ferveur pour le réciter en entier, elle a l’inspiration de le répartir entre quinze personnes qui n’auraient qu’une dizaine à réciter par jour en méditant sur un mystère. «Il me sembla que l’heure était venue, écrira-t-elle plus tard, de réaliser le dessein, formé depuis longtemps, d’une association accessible pour tous, qui produirait l’union avec la prière, et dont l’unique et courte pratique, n’effrayant personne, faciliterait aux fidèles l’usage de la méditation quotidienne, cette méditation ne fût-elle que de quelques minutes, sur les mystères de la vie et de la mort de Jésus-Christ». Ainsi fut fondé en 1826 «le Rosaire Vivant». Avec l’aide d’un Père jésuite, Pauline adjoint à cette œuvre la distribution d’objets religieux et de bons livres pour réveiller et maintenir la foi. Par la prière et la diffusion de la bonne doctrine, le Rosaire Vivant contribuera à d’innombrables conversions.

Percevoir la détresse

Afin de donner un cadre de vie aux jeunes filles qui se sont groupées autour d’elle, Pauline fonde l’institut des Filles de Marie, consacrées au soin des malades, dans une petite maison qu’elle appelle «Nazareth», sur la colline de Fourvière. Puis elle achète une grande propriété voisine, «Lorette», qui devient le siège officiel du Rosaire Vivant. Au mois d’avril 1834, Pauline est gravement malade au point de recevoir l’Onction des malades. Elle se rend tout de même en Italie et, encouragée par le Pape Grégoire XVI, implore et obtient de sainte Philomène sa guérison. Le Saint-Père, rempli d’admiration et de joie à la nouvelle de ce miracle, la reçoit au Vatican. Rentrée à Lyon en 1836, Pauline constate que «Lorette» devient un lieu de rencontre et de vie spirituelle de plus en plus fréquenté où les hôtes sont accueillis avec respect et cordialité. On compte parmi eux saint Pierre-Julien Eymard, saint Jean-Marie Vianney, sainte Thérèse Couderc, sainte Claudine Thévenet… Toujours à son poste, Pauline écoute, réconforte, éclaire, ouvre son cœur et sa bourse. Un jour de 1842, une jeune fille, Françoise Dubouis, lui apporte une lettre du Curé d’Ars: «Mademoiselle Jaricot, je vous adresse une âme, que le bon Dieu a faite bien sûr pour Lui et pour vous… La Sainte Vierge l’a gardée jusqu’à présent de tout mal, gardez-la donc à votre tour, et apprenez-lui à aimer davantage Jésus et Marie». Françoise deviendra la confidente de Pauline jusqu’à sa mort.

Depuis longtemps, Pauline a perçu la détresse provoquée chez les ouvriers par la révolution industrielle. La situation des ouvriers en soierie est particulièrement tragique à Lyon: certains sont logés et nourris par le chef d’atelier qui les emploie, entassés avec leur famille dans d’étroits logements, gagnant une somme dérisoire pour seize heures de travail par jour. Pauline note: «Chez l’ouvrier, la misère affaiblit peu à peu le courage et la vertu. Les personnes riches ne se doutent pas, au sein de l’abondance et de la sécurité, de ce qu’éprouvent un père, une mère à qui des enfants demandent du pain, quand le travail manque, ou que la maladie le rend impossible… Du pain!… Mais alors, pour en avoir, il faut mendier; et tous n’ont pas la force d’en venir là… Il me semble avoir acquis la certitude qu’il faudrait d’abord rendre à l’ouvrier sa dignité d’homme, en l’arrachant à l’esclavage d’un travail sans relâche; sa dignité de père, en lui faisant retrouver les douceurs et les charmes de la famille; sa dignité de chrétien, en lui procurant, avec les joies du foyer domestique, les consolations et les espérances de la religion». Après avoir longtemps prié, Pauline décide de consacrer sa fortune à la création d’un centre industriel où un travail réglé avec prudence et rétribué selon la justice permettrait à Jésus de régner sur les cœurs. Profitant d’une occasion favorable, elle jette les bases d’une entreprise qui lui sera un véritable chemin de croix pendant vingt années, de 1841 à sa mort.

Pour lancer l’usine, Pauline confie la somme de 700 000 francs-or à des personnes qu’on lui a recommandées. Tout d’abord, l’entreprise semble fonctionner de façon satisfaisante: les comptes-rendus présentés sont optimistes. Mais les hommes d’affaires auxquels elle a fait confiance, détournent à leur profit les capitaux. «Je tombai, écrit-elle, comme l’homme descendant de Jérusalem à Jéricho, entre les mains de voleurs». Pauline perd sa fortune et se retrouve grevée de dettes, talonnée par les créanciers. Dans cette situation dramatique, son souci se porte d’abord sur les nombreux pauvres qui lui ont prêté de petites sommes d’argent pour l’usine; elle tient fermement à les rembourser pour leur éviter la misère, et, dans ce but, se résout à mendier. Mais cette affaire lui a coûté sa réputation. La direction de l’œuvre de la Propagation de la Foi, qu’elle a elle-même fondée, statue ainsi sur sa demande de secours: «Vu qu’on ne saurait lui reconnaître la qualité de fondatrice, dont elle se prévaut, le conseil se refuse à accorder un secours financier».

«Plus que d’autres, dira le Pape Paul VI, Pauline devait rencontrer, accepter et dépasser dans l’amour une somme de contestations, d’échecs, d’humiliations, d’abandons qui donnèrent à son œuvre la marque de la Croix et sa fécondité mystérieuse». Toutes les portes, en effet, se ferment devant celle qui en a tant ouvert pour d’autres, et, à chaque nouvelle souffrance, elle répète: «Mon Dieu, pardonnez-leur et comblez-les de bénédictions à mesure qu’ils m’abreuvent de plus de douleurs». Le saint Curé d’Ars, s’exclamera un jour en chaire: «Mes frères! moi, je connais une personne qui sait bien accepter les croix, même les croix les plus lourdes, et qui les porte avec grand amour. Cette personne, mes frères, c’est Mademoiselle Jaricot, de Lyon!»

Le véritable bonheur

En 1852, on suggère à Pauline d’aménager à travers le clos de «Lorette» un raccourci pour accéder au sanctuaire de Fourvière, moyennant l’acquittement d’un droit de passage. Séduite par cette idée, Pauline obtient les autorisations municipales et met en oeuvre le projet. Les revenus ainsi obtenus lui permettent, au bout de plusieurs années, de rembourser la totalité des dettes.

Mais l’usine n’existe plus: elle a été vendue au profit d’un des créanciers. En apparence, Pauline a donc échoué. En réalité, elle a fécondé par ses souffrances bien acceptées d’autres oeuvres du même genre qui seront entreprises après elle. Au sein de l’Église, elle a été l’une des premières voix à s’élever contre les abus de la révolution industrielle, préparant ainsi l’Encyclique Rerum Novarum (1891) de Léon XIII, sur les droits des ouvriers à un juste salaire et à des conditions de vie décentes. De nos jours, l’Église, confrontée à des situations nouvelles, continue d’insister sur les devoirs de justice et de solidarité. Le 4 novembre 2000, le Pape Jean-Paul II a déclaré aux responsables politiques, lors de leur jubilé à Rome: «Avec le phénomène de la mondialisation des marchés, les pays riches et développés tendent à améliorer davantage encore leur situation économique, tandis que les pays pauvres tendent à sombrer dans des formes de pauvreté toujours plus pénibles… C’est l’esprit de solidarité qui doit croître dans le monde, pour vaincre l’égoïsme des personnes et des nations… Les chrétiens qui se sentent appelés par Dieu à la vie politique ont pour tâche de soumettre les lois du marché «sauvage» aux lois de la justice et de la solidarité. C’est l’unique moyen d’assurer à notre monde un avenir pacifique, en détruisant à la racine les causes de conflits et de guerres: la paix est le fruit de la justice».

Après un répit de 35 ans, la maladie de cœur de Pauline s’aggrave. Affaiblie pendant plusieurs mois, la servante de Dieu reçoit à nouveau l’Onction des malades le soir du premier dimanche de l’Avent 1861. Le 9 janvier suivant, bien avant l’aube, on l’entend murmurer: «Comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés… Marie! Marie! Oui, oui, fiat!» enfin: «Marie, ma Mère… je suis… tout à vous…!» Ce sont ses ultimes paroles. À cinq heures du matin, le sourire aux lèvres, Pauline exhale son dernier souffle et entre, toute jeune, toute belle, toute radieuse dans la vraie vie, la Vie Éternelle. Le 25 février 1963, le bienheureux Pape Jean XXIII a déclaré l’héroïcité de ses vertus, ce qui lui vaut le titre de Vénérable.

Six ans avant sa mort, Pauline avait rédigé un testament spirituel où on peut lire: «Mon seul trésor est la Croix! En m’abandonnant à vous, Seigneur, je souscris à mon véritable bonheur; je prends possession de mon seul vrai bien. Que m’importe donc, ô volonté tout aimée et tout aimable de mon Dieu, que vous m’ôtiez les biens terrestres, la réputation, l’honneur, la santé, la vie, que vous me fassiez descendre par l’humiliation jusque dans le puits et l’abîme le plus profond… J’accepte votre calice. Je m’en reconnais tout à fait indigne, mais c’est encore de vous que j’attends le secours, la transformation, l’union et la consommation du sacrifice pour votre plus grande gloire et le salut de mes frères».

Du 17 au 19 septembre 1999, ont eu lieu à Lyon et à Paris des célébrations en l’honneur du bicentenaire de la naissance de Pauline Jaricot. À cette occasion, le Pape Jean-Paul II a adressé à l’archevêque de Lyon une lettre élogieuse pour la Vénérable: «Par sa foi, sa confiance, sa force d’âme, sa douceur et l’acceptation sereine de toutes les croix, Pauline se montra vraie disciple du Christ… Mettre en évidence cette figure marquée très tôt par une volonté inouïe d’entreprendre, doit stimuler l’amour de l’Eucharistie, la vie d’oraison et l’activité missionnaire de toute l’Église dont la fin propre est de s’unir au Sauveur, de le faire connaître et d’attirer à Lui tous les hommes… En se mettant à l’école de Pauline, l’Église doit trouver un encouragement pour affermir sa foi, qui ouvre à l’amour des frères, et pour suivre sa tradition missionnaire, sous les formes les plus variées».

D’après Dom Antoine Marie osb, abbé Source : www.clairval.com

Pauline Jaricot

Le génie de la simplicité, le réalisme de la vie mystique

(Auteur : Agnès Renault – Parution F&L n° 183 d’Avril 2000)

J’encourage les catholiques de France à connaître davantage cette vocation exceptionnelle qui embellit une longue tradition de témoins du Christ, remontant aux martyrs de Lyon et à saint Irénée.(Jean-Paul II)

Son message répond aux besoins de notre temps… Elle peut être un modèle pour une femme jeune, dynamique, active, mais aussi pour une contemplative.(Cardinal Tomko)

A la fin de la Messe de l’église Saint-Nizier, un dimanche du carême 1816, l’abbé Wurtz, qui vient de prêcher sur la vanité, est interpellé par une très jeune fille aux yeux noirs et au visage avenant, habillée au goût du jour avec raffinement et élégance : robe de taffetas rose, chapeau de paille d’Italie orné de roses sur de belles boucles brunes. Monsieur l’abbé, lui dit-elle, votre sermon m’a touchée au plus haut point, en quoi consiste la vanité coupable ?

L’abbé n’hésite pas : « Pour certains, elle est tout entière dans l’amour de ce qui retient le cœur captif, quand Dieu l’invite à s’élever plus haut ! »

La jeune fille déjà ébranlée par le sermon, comprend que ces paroles sont pour elle ; c’est le coup de foudre, sa vie en quelques jours  bascule dans le don total d’elle-même : « vivante de sa propre vie », comme elle l’écrira. C’est Pauline Jaricot que Dieu confiait en ce jour à l’abbé qui, fidèle à l’Esprit Saint, saura conduire cette âme exceptionnelle sur le chemin de la sainteté.

Une enfance choyée

Elle était née le 22 juillet 1799 et fut baptisée le lendemain. La famille Jaricot, des soyeux de Lyon, connaissait une honnête prospérité. Pauline a quatre grands avant elle, Paul, Sophie, Laurette et Narcisse handicapé, qui mourra à vingt ans ; Philéas lui, a deux ans de plus qu’elle, c’est son cher compagnon qui deviendra son âme sœur. Le petit garçon rêve de mission en Chine, la petite sœur de toute sa fougue, l’assure qu’elle le suivra, mais lui ne veut rien entendre : que faire d’une fille ? « Toi, tu prieras pour moi, et aussi tu prendras un râteau, tu ramasseras des tas d’or et tu me les enverras par barils. »

Le frère et la sœur semblent l’un et l’autre bien loin de ces projets enfantins dans la vie mondaine dont ils sont esclaves à l’adolescence. Pauline est belle, la toilette lui va bien, elle est remarquée admirée, et… heureuse de l’être : Il aurait fallu être morte ou de glace pour ne pas ressentir l’impression des flatteries, des attentions et des paroles doucereuses qui m’étaient prodiguées.

Le jour de sa première communion, elle avait promis à Dieu de lui être fidèle et lui avait demandé de la punir si elle manquait aux engagements de son baptême. Mais la vanité faillit bien l’emporter : Toutes mes actions étaient faites pour plaire…

A 16 ans, elle fait une chute d’un tabouret fort haut dont les pieds se cassèrent. Elle en est si gravement atteinte qu’on pense ses jours en danger, sa mère offre sa vie à Dieu qui accepte l’offrande, la maman meurt, Pauline guérit. Une fois le deuil passé, sa santé rétablie, elle reprend sa vie mondaine mais son âme n’est pas en paix.

Tu prends le bouillon trop chaud, vas-y avec plus de mesure

Elle a 17 ans, quand sa rencontre avec l’abbé Wurtz, suivie d’une confession générale bouleverse sa vie. Elle remplace ses belles parures par une robe de drap violet avec pèlerine comme en portent les femmes du peuple. Plus de chapeau de paille d’Italie, ni de cheveux bouclés avec soin, mais un bonnet blanc de servante. Son frère se rit d’elle, pense qu’il s’agit de lubies qui ne tarderont pas à passer : « Tu prends le bouillon trop chaud, vas-y avec plus de mesure. »

Mais elle sait très bien ce qu’elle fait : Si je n’avais pas tout brisé à la fois, je n’aurais rien gagné, j’étais si confuse de paraître en public avec le triste costume violet, que j’en tremblais de tous mes membres. Il fallait cela pour abattre mon orgueil. Un juste milieu eût été insuffisant pour rendre ma résolution inébranlable.

A Noël 1816, elle fait vœu de virginité perpétuelle. Peu à peu ses amis l’abandonnent mais elle découvre chez les pauvres beaucoup d’amour, une grande ferveur, de vrais adorateurs. L’argent que son père ne lui refusait pas est maintenant mis au service des pauvres, des malades, du placement des jeunes filles abandonnées. Son temps se partage entre la tenue de la maison, ses œuvres de charité et la prière près du tabernacle : le désir de sauver les âmes grandit en elle.

Je cherchais partout mon Dieu, je le voyais partout, dans les fleurs, dans les arbres, dans les étoiles, dans la lune…

Une vocation eucharistique

La veille des Rameaux 1817, le Seigneur appelle Pauline à une vie de réparation pour la France et pour l’Église, mission dont elle se sait incapable : Je m’abaissai devant le Seigneur en me reconnaissant indigne d’apaiser sa justice. Mais il me fut répondu que si je voulais être bien obéissante et fidèle, Jésus-Christ se servirait de la sainte Communion pour me transformer en lui et m’absorber en son Etre infini !

C’est là le secret de sa vie, la source dont toutes ses œuvres jailliront, l’agent de sa transformation intime jusqu’à l’union à Jésus dans l’abandon, l’agonie et la déréliction.

Toute la terre m’a paru fécondée par la présence de ce divin Sauveur dans le Très Saint Sacrement. De cela résulte la correspondance avec mon frère… De cette correspondance et de cette disposition personnelle, est venue la Propagation de la Foi.

Pauline sait que sa vocation est de rester laïque dans le monde. Elle recrute parmi les ouvrières des jeunes de son âge, les Réparatrices du Cœur de Jésus méconnu et méprisé et les entraîne dans la vie qu’elle a embrassée.

Le sou hebdomadaire

Pour répondre à l’appel de son frère qui, devenu prêtre, se dévoue pour les missions d’Asie, Pauline à dix-neuf ans lance auprès des deux cents ouvrières de l’usine de son beau-frère l’opération « du sou hebdomadaire »: chaque semaine, une quêteuse recueille le sou que les volontaires donnent pour les enfants abandonnés de Chine. (Un sou = un peu moins d’un franc). Les recettes sont maigres et Pauline demande à Dieu de lui inspirer un plan: elle désire intéresser tous les fidèles à l’œuvre missionnaire universelle. Dieu répond : La claire vue de ce plan me fut donnée et je compris la facilité qu’aurait chaque personne de mon intimité à trouver dix associés donnant un sou chaque semaine pour la Propagation de la Foi*… Chaque associé doit en trouver dix autres, qui à leur tour, en trouve dix autres, chacun formant ainsi des « centaines » puis des « milliers » jusqu’à l’infini. Les « dizaines », les « centaines » et les « milliers » recueillent respectivement la collecte hebdomadaire de dix, de cent, de mille personnes associées.

Pauline vous êtes trop bête pour avoir inventé ça !

C’est sur un ton admiratif que l’Abbé Guichardot adresse ces paroles à la jeune fille venue lui exposer son plan : s’il ne vient pas de moi pense Pauline, il vient de Dieu, c’est la confirmation attendue. Quelques Réparatrices s’engagent : l’une pour assurer son sou par semaine, remplace son bonnet blanc par un bonnet noir, le sou donné pour  le repassage ira aux missions ; d’autres resteront debout pendant la messe et le sou destiné aux chaisières prendra la même direction…

Le 20 octobre 1820, après onze mois seulement de fonctionnement plus de cinq cents associés ont rassemblé 1439,35 F versés aux Missions Étrangères de Paris*.

La semence jetée en terre par Pauline est devenue un grand arbre, l’œuvre de la Propagation de la Foi. Dans son sillage toute l’Église est invitée à cet engagement concret. Paul VI

Une œuvre universelle

L’œuvre de la Propagation de la Foi dans sa formule définitive, universelle, va prendre corps le 3 mai 1822. De hauts et riches personnages prennent à leur compte le plan de Pauline, en la dépossédant ils assurent à l’œuvre une solidité et un avenir que notre jeune missionnaire n’aurait jamais pu lui conférer. La prodigieuse extension de l’œuvre dont Pauline eut « l’intuition, l’initiative et la méthode » (Paul VI, 1972) se réalise sans elle, fécondée par le sacrifice qu’elle accepte même si elle dut bouillir intérieurement !

Messieurs à mon titre de fondatrice je peux, sans mentir, ajouter celui de nourrice de l’œuvre ; car pendant trois ans j’ai soutenu le zèle de mes associés, en leur communiquant les lettres de mon frère. Ces lettres furent comme les premières Annales de la Propagation de la Foi. Lettre de Pauline écrite par obéissance.

Le pauvre ver à soie

Pauline à 23 ans suspend toutes ses activités : Après quelques années de ce remue-ménage, de greniers d’hôpital, de petites mendiantes à placer, mon confesseur, éclairé de Dieu sans doute, me signifia d’avoir à cesser ce métier, pour songer à me retirer dans les Plaies du Seigneur, afin d’entrer dans la voie de la prière… A ma honte, je vous avouerai que j’eus bien du mal à comprendre… Ce nouvel état de vie fut bien un peu celui du pauvre ver à soie qui, privé de la verdure, travaille dans les branches de bruyère sèche à s’enfermer dans son tombeau…

L’œuvre du Rosaire-vivant

De 23 à 26 ans, la bouillante Pauline cesse toutes ses activités. En une nuit elle écrit un petit traité eucharistique. Ce temps d’enfouissement imposé par son directeur trouvera sa fécondité dans l’œuvre du Rosaire-Vivant. Cette belle dévotion laissée aux dévotes de profession, peut revivifier l’Église affaiblie en cette époque troublée, pense-t-elle.

Le principe est le même que pour la Propagation de la Foi. Quinze personnes, une pour chacun des quinze mystères… Chacune récitera tous les jours une dizaine de chapelet en méditant sur un mystère de la vie de Jésus, tiré au sort et qui change chaque mois. Chacune cherchera cinq autres membres qui, à leur tour, chercheront à multiplier les adhérents. Il y aura des bons, des médiocres et quelques autres personnes qui n’ont que de la bonne volonté… « Quinze charbons, un seul est bien allumé, trois ou quatre le sont à demi et les autres non. Rapprochez-les, c’est un brasier ! » (H. Ramière, sj). Grégoire XVI donne son approbation officielle. Le Rosaire-Vivant s’étend comme un incendie en France, puis dans tous les pays du monde : plus de 2 millions d’associés en 1862.

Lorette

Pauline a trente-trois ans quand elle achète sur les pentes de Fourvières, une maison à laquelle elle donne le nom de Lorette, où avec plusieurs compagnes, laïques comme elle, elle répond aux énormes obligations créées par le Rosaire Vivant.

Pendant l’année 1832 sont partis de Lorette cent quarante mille livres ou brochures, quatre-vingt mille images, quarante mille médailles, dix-neuf mille chapelets ou crucifix !

Son souci est aussi de préserver le coteau de Fourvières, non de dangers imaginaires et à venir, mais de celui très réel  et imminent d’être envahi par des bâtisses et petits rendez-vous de plaisir… Elle acheta, dans ce but, des propriétés à l’intention de plusieurs congrégations. Elle jouissait d’une fortune conséquente et fut aidée par plusieurs membres de sa famille.

Comme un enfant

La spiritualité à laquelle elle invite ses filles se résume à une consigne : vivre devant Dieu comme un enfant : mon but était d’accoutumer mes chères filles à aimer Jésus et Marie comme les petits enfants aiment leur père et leur mère, sans façon, tout simplement… à ne pas craindre de les avoir présents dans nos moments de distraction, dans les  conversations ordinaires, dans les repas, le travail, les tentations, comme font les enfants qui s’amusent, parlent, mangent, dorment, travaillent, prennent même leurs caprices sous les yeux de leur père et de leur mère…

Que ses filles et elle-même soient comme des jouets dans la main du Maître… Si plus jeune elle se sentait appelée à devenir victime et réparatrice, avec le temps, elle comprit que cela même était une ambition trop prétentieuse : elle se donne et se livre à son Jésus.

Elle ne savait pas quel Calvaire l’attendait en ses dernières années !

Maria Dubouis, prémonition du Curé d’Ars ?

Maria fut la compagne fidèle dans les temps d’épreuve. Elle fut confiée à Pauline par le saint Curé d’Ars : « Je vais vous confier à une mère qui saura vous faire avancer dans l’amour de Jésus-Christ… » En 1842, il l’envoie à Pauline avec une lettre : « Je vous adresse une âme que le Bon Dieu a faite pour lui et pour vous… »

Pauline alors est heureuse : « Quand j’arrivai à Lorette, écrira Maria, c’était le beau temps où l’on venait chez notre mère comme on va chez le Bon Dieu, demander et recevoir tout ce dont on avait besoin. » La maison ne désemplissait pas de visiteurs appartenant à toutes les classes de la société, y compris des évêques et des cardinaux.

Le temps de l’épreuve

La santé de Pauline, pourtant, n’est pas bonne, elle faillit mourir et guérit miraculeusement, une fois à Lorette, une autre fois à Rome, en 1835. Malgré cela elle ne désarme pas. La grande misère des ouvriers torture son cœur. Elle en vient à acheter une usine, aidée par des hommes d’affaire frauduleux qui la conduisent à la ruine. Étrange permission de Dieu pour une personne si avisée et prudente en affaire.

Pauline tenta l’impossible pour sauver l’entreprise. Elle se porta garante des dettes contractées ne voulant pas léser ses débiteurs. Pendant trois ans, à la cinquantaine, affaiblie par l’âge et la maladie elle parcourt la France, souffrant affreusement des jambes, mais surtout moralement car elle ne rencontre que mépris et ingratitude : elle plaide la cause de ses usines et l’œuvre des ouvriers. Heureusement, Maria est là, présence d’un ange donné par Dieu.

Rien n’y fit, tous l’abandonnent, elle boit le calice jusqu’à la lie, méprisée, injuriée, harcelée par ses débiteurs, obligée de recourir aux tribunaux.
Souffrant dans son corps et dans son âme elle vécut jusqu’à 63 ans, onze années d’agonie jusqu’à sa mort le 9 janvier 1862. Ses funérailles furent celles d’une pauvresse.

Notre mère faisait pitié : certaines personnes la tourmentaient du matin jusqu’au soir, résolues à se faire rembourser sur l’heure. Les pauvres gens, eux, ne l’accablaient pas ; ils pleuraient avec elle, ce qui lui perçait le cœur bien plus que les reproches des riches. Maria Dubouis

Visite au curé d’Ars

Début mars 1859, Pauline se rend à Ars pour exposer au Saint l’impossibilité où elle se trouve de rembourser ses dettes : « Ma Sœur, acceptez courageusement cette cruelle épreuve… Vous ne pouvez faire l’impossible. » Il remet à Pauline une croix, sur le bois on pouvait lire : Dieu seul pour témoin, le Christ pour modèle, Marie pour soutien, et puis : rien… rien qu’amour et sacrifice.

Le projet social de Pauline Jaricot

Ballotté sur le marché du travail, à la merci d’opérations financières qui lui échappent, l’ouvrier n’a pas confiance dans l’avenir, ni prise sur lui. Il désespère de l’épargne, tandis que l’or étend son empire et le nombre de ses victimes.  

Il faudrait d’abord rendre à l’ouvrier sa dignité d’homme en l’arrachant à l’esclavage d’un travail sans relâche ; sa dignité de père, en lui faisant goûter les douceurs et les charmes de la famille ; sa dignité de chrétien, en lui procurant avec les joies du foyer domestique les consolations et les espérances de la religion. En un mot je voudrais qu’on rendît l’époux à l’épouse, le père à l’enfant, et Dieu à l’homme car il est le bonheur et la fin.

* * *

* Les Missions étrangères : Société de la rue du Bac à Paris, fondée au XVIIème siècle pour envoyer des missionnaires en Asie. C’est à elle que furent envoyées les premières quêtes de Pauline.

Association de la Propagation de la Foi : groupe Lyonnais fondé sur l’inspiration de Pauline Jaricot le 3 mai 1822, « œuvre temporelle de quête».

Pie XI a institué une collecte lors de la journée missionnaire mondiale qui se fait dans toutes les Églises catholique l’avant-dernier dimanche d’octobre. L’intégralité de la somme est recueillie à Rome pour les besoin de l’Église universelle.

Je connais quelqu’un qui a beaucoup de croix et de très lourdes, et qui les porte avec un grand amour, c’est mademoiselle Jaricot. Curé d’Ars

Pauline Jaricot

1799 – 1862

On connaît son œuvre : la Propagation de la Foi, le Rosaire vivant. Mais Pauline-Marie Jaricot, qui a semé, a laissé à d’autres le soin de récolter les fruits. Elle s’est totalement dépossédée de son œuvre, et les hommes ont fini par la déposséder de tout.

Pauline Jaricot n’est pas d’abord l’initiatrice d’une œuvre qui a essaimé dans le monde entier. Elle est une femme que Dieu a saisie, et que l’on ne peut comprendre sans s’efforcer de la rencontrer dans son expérience mystique.

La radicalité de son oui à Dieu qui a pour pendant la radicalité d’un non à l’esprit du monde, la conduit dès le début sur les hauts plateaux de la vie contemplative. Dans cette période de jeunesse elle est gratifiée de signes tangibles de la présence du Seigneur, qui la préparent à affronter par la suite un long chemin de croix. Jésus se présente à elle tout à la fois comme l’Epoux, qui sans cesse l’assure de son amour, et comme un Maître intérieur qui conduit son disciple vers la pleine offrande de sa vie. Le oui de Pauline à Jésus fut un oui à sa croix. Et c’est à travers la croix, durant les dix dernières années de sa vie, qu’elle aura pu mesurer ce que voulait dire le oui de ses dix-sept ans.

La vie tout entière de Pauline, dont on ne peut séparer l’expérience mystique de l’engagement social et missionnaire, témoigne du chemin de la grâce dans un cœur qui, sans retour, dit oui à l’Amour divin.

Pauline Jaricot est née à Lyon le 22 juillet 1799 dans une famille de soyeux, profondément chrétienne. Après une enfance fervente, lors de son adolescence elle tombe dans une certaine tiédeur et mène une vie chrétienne médiocre. Elle se laisse séduire par les illusions du monde. Mais elle n’est pas heureuse. Après une lutte de plusieurs mois, qui la rendit bien malheureuse, elle finit par être vaincue par l’appel de Dieu.

Le coup décisif qui fixa définitivement son orientation fut un sermon entendu un dimanche de Carême 1816. Le prédicateur, l’abbé Wurtz, prêche sur la vanité. Pauline est touchée. Elle se convertit totalement et renonce définitivement au monde. Elle décide de se donner à Dieu et déclare à son entourage : Désormais, Jésus-Christ sera tout pour moi. Elle a 17 ans.

Entraînée par la force de l’amour, elle se lance dans les œuvres de charité en visitant les malades et les pauvres. En même temps elle se plonge longuement dans la prière, spécialement au pied du Saint-Sacrement dans l’église de Saint Nizier sa paroisse. Le Seigneur va la combler de grâces précieuses. Son confesseur lui enjoint alors de s’abstenir des œuvres extérieures pour se consacrer uniquement à la prière. Bien que Pauline soit faite, comme elle le dit elle-même, pour aimer et agir, elle obéit. De 1816 à 1824, elle va s’enfoncer dans une vie purement contemplative. Elle va être submergée par le Seigneur de grâces et de faveurs exceptionnelles destinées à la sanctifier et à la préparer pour sa mission ecclésiale. Enracinée dans la contemplation, elle pourra se lancer dans une action de grande envergure pour l’Eglise : la Propagation de la Foi et le Rosaire vivant.

Lors de la veille de la fête des Rameaux en 1817, alors qu’elle priait auprès du Saint-Sacrement, elle avait entendu le Seigneur lui demander : Veux-tu souffrir et mourir pour moi ? Elle comprit que cette demande avait trait à la conversion des pécheurs. Sous l’inspiration de la grâce, elle s’est offerte comme victime pour le salut du monde.

A propos de sa consécration, elle écrit dans « Histoire de ma vie » : Je prononçai enfin le vœu irrévocable qui fixait tous les mouvements de mon cœur. […] je lui promis avec serment de n’avoir jamais d’autre Epoux que lui […]. Ô Marie, ô ma Mère, vous fûtes le témoin fidèle de mon bonheur, vous reçûtes mes vœux pour les présenter à votre Fils et par là vous devîntes doublement ma tendre Mère ! […] Je me considérais comme la conquête de l’amour divin et je me redisais : je suis l’épouse de Jésus-Christ. J’osais prendre avec lui la tendre familiarité d’une épouse qui se confie à son époux.

Sa forme de vie est « dans le monde ». Jésus lui dira (citation libre de mémoire) : dans le monastère où tu résides, l’Abbesse c’est Marie. Elle ne souffrirait que son enfant donne le nom de Mère à une autre qu’elle.

Pauline accueille simplement ce que le Seigneur lui donne. Elle ne se rend pas compte immédiatement du caractère extraordinaires des grâces reçues. Le Seigneur va intervenir de différentes façons : par des illuminations intérieures, par des impressions dans son entendement, aussi par la « voix » du Christ.

Les grandes dévotions de Pauline :

  • envers l’Eucharistie : « J’ai tout appris au pied de votre autel », écrira-t-elle. Jésus lui demande de devenir une eucharistie vivante par la communion quotidienne.
  • envers la Passion de Jésus : Jésus lui parle du trône sur lequel il veut la placer, qui est la Croix.
  • envers le Sacré-Cœur 
  • envers Marie comme sa Mère, sa protectrice, celle qui a obtenu de Jésus toutes ses grâces. Marie est témoin de son vœu de virginité. Elle la regarde aussi par rapport à sa place et son rôle dans l’Eglise : Mère de l’Eglise.

En même temps que sa vocation personnelle, Pauline reçoit sa vocation ecclésiale. C’est un seul bloc. Pauline est l’épouse. L’épouse est occupée du bien de l’Epoux. L’amour du prochain chez Pauline dérive de sa vie d’union au Christ, chef du Corps mystique : le bien de l’Epoux est celui de l’épouse. Pauline aime l’Eglise passionnément à la mesure de son amour du Christ.

Sainte Eglise de Dieu, ma Mère, combien je vous ai aimée !… […] Je ne me repentirai jamais de n’avoir vécu que pour vous, dès ma jeunesse.

Le Seigneur lui prédit qu’elle devra souffrir pour le salut du peuple : En te dévouant pour le salut de tous, tu souffriras tout ce que les impies désireraient faire souffrir à l’Eglise, ils épuiseront sur toi leur haine contre elle.

Extraits des « Ecrits de Jeunesse » (18-25 ans)

J’ai aimé Jésus-Christ plus que tout sur la terre et pour l’amour de Lui, j’ai aimé plus que moi-même tous ceux qui étaient dans le travail ou dans la douleur.

Mon enfant, parle-moi toujours. Demande-moi le salut de mon peuple. Ne crains pas de me fatiguer par ta conversation de quelque manière que tu la fasses, l’amour ne se lasse jamais d’entendre la voix de l’objet aimé. Ma croix, mes blessures ne te disent-elles pas le sujet de ma tendresse pour toi ? (…) pour ton amour, je me fais pain et me donne tous les jours en nourriture à ton âme (…)

Mon enfant, tes infirmités me font plus pitié qu’elles ne m’irritent. Je les ressens en mon cœur. J’ai compassion de ta misère. Lors donc que tes fautes te troubleront tu viendras te baigner dans mon sang, tu trouveras tous les jours ce bain préparé dans mon cœur, lorsque tu seras dans la peine tu te réfugieras dans mon cœur toujours ouvert pour te recevoir et tu y trouveras la paix.

Reste avec moi dans le fond de ton cœur, je suis avec toi et ton cœur est mon tabernacle. Tu es vraiment une église vivante que j’ai consacrée par les saintes onctions et dans laquelle j’habite par la communion que tu fais tous les jours. Prie, adore, sois saisie de respect en ma présence et comme dans l’église lorsque tu es obligée de parler par nécessité tu ne perds pas mon autel de vue, de même quand tu es obligée de parler aux créatures, ne perds pas de vue ma présence en ton cœur.

Souviens-toi ma fille, de tenir toujours la lampe de la foi, de l’espérance et de la charité allumée dans mon église vivante et de ne jamais cesser de faire fumer en ma présence l’encens de tes prières. C’est toi ma fille, qui est chargée de mon culte. Tu es le prêtre de cette église, obligé d’offrir la victime au Seigneur, et de même que les prêtres offrent le pain et le vin pour être changés en mon corps et en mon sang, ainsi dois-tu t’offrir pour être l’apparence sous laquelle je dois me cacher. De même que les prêtres m’offrent moi-même à mon Père après que le pain et le vin sont changés en moi-même, ainsi dois-tu m’offrir à moi-même en toi après la communion. De même encore que le prêtre doit m’adorer, me bénir, me faire réparation de l’humiliation que j’ai choisie pour l’amour des hommes, ainsi dois-tu t’anéantir, t’humilier en ma présence à la vue de la plus grande des humiliations que j’aie pu choisir. Oui, ma fille, tu dois te pénétrer de tous les sentiments que j’ai envers mon Père dans la divine Eucharistie pour être toi-même une eucharistie vivante, qui m’adore, s’humilie, s’anéantisse pour ma gloire comme je le fais dans mon sacrement pour la gloire de mon Père. (…) Imite-moi, ma fille, et souviens-toi que pendant ma vie mortelle mon humanité adorait, s’anéantissait, priait sans cesse en présence de ma divinité. Veille donc sur ton cœur pour le tenir fermé aux choses extérieures. Entretiens-toi sans cesse avec moi. C’est le règlement que je te donne, la pénitence que je t’impose et le travail que j’exige de toi parce qu’avec cela tu acquerras toutes les vertus qui te manquent.

Lorsqu’on a fait à Dieu le sacrifice de sa réputation, de sa santé, de ses affections, de toute sa personne en un mot, il ne faut pas s’inquiéter de ce qu’on deviendra, ni des humiliations qui pourront survenir car si je donne un tableau à quelqu’un et que venant dans sa maison je le trouve placé quelque part où je ne le voudrais pas et que je lui dise, sortez ce tableau de cette place pour le mettre à celle-ci, je montrerai que je n’ai pas donné mon tableau de bon cœur et que je veux y conserver un droit de propriété. De même que si je donne un chien à quelqu’un et que je vienne ensuite tous les jours le caresser, demander si on le nourrit bien et même me fâcher, faire la mine quand on ne prend pas de cet animal tous les soins que je désirerais, on peut dire que je n’ai pas donné mon chien mais que je l’ai mis en pension pour qu’on en prît encore plus soin que je ne pouvais en prendre moi-même.

Consulte-moi toujours avant de parler, tiens-toi unie à moi et prends soin d’être modeste et retenue en présence des personnes d’un sexe différent ; n’affecte pas de ne rien craindre avec de telles personnes, aie l’air au contraire de craindre beaucoup afin d’être en sûreté.

Ce serait un désordre dans la nature si les pommiers portaient des poires et les poiriers des oranges, quelque préférable que peut être l’un de ces fruits comparé à l’autre, parce que j’ai créé chaque espèce d’arbre pour produire chaque espèce de fruit. De même tu ne dois vouloir produire des œuvres que je ne te demande pas de toi, mais au contraire celles que je te demande.

Tu ne peux croire combien toutes les attaches, quelques petites qu’elles soient, empêchent les effets de ma grâce et nuisent à mon amour.

Fais attention de bien faire ce que tu fais, sans t’inquiéter ni de ce que tu as fait précédemment, ni de ce que tu dois faire à l’avenir, afin de ne pas faire tout avec inquiétude et mal (impression intérieure)

L’autre jour pour profiter du parapluie d’une dame, j’ai pensé perdre la bénédiction qui était près de se donner à Fourvière parce que cette dame allant fort doucement j’étais obligée de ralentir mon pas. Une autre dame montait devant nous, elle était sans parapluie et pressée d’un côté par la pluie, de l’autre par la bénédiction qu’on sonnait, elle avançait à grands pas. Voici ce que j’ai compris : cette dame qui va si vite est semblable à ceux qui n’ayant point d’appui humain et ne trouvant point de moyens pour se soustraire aux afflictions passagères de ce monde sont pressés d’une part par ces afflictions, de l’autre par la grâce de Dieu de hâter le pas pour arriver plus vite dans le Cœur Sacré de Jésus. Au lieu donc de se réjouir d’avoir trouvé des créatures qui compatissent à nos maux temporels et qui cherchent à les adoucir par les consolations humaines, une âme consacrée à Dieu doit s’attrister quand on s’intéresse à elle et qu’on lui donne des preuves d’attachement parce que toutes ces consolations terrestres ne servent qu’à ralentir sa marche dans la route de la perfection ; pour en profiter elle est obligée de conformer son pas à celui de ces personnes officieuses, elle n’est point libre de courir pour recevoir mes bénédictions célestes.

Je permets tes chutes pour t’apprendre à te connaître et à te confier en ma grâce toute-puissante ; plus tu te connaîtras, plus ta confiance augmentera et plus ma grâce deviendra abondante pour te soutenir ; mais le démon veut te faire perdre les fruits de la connaissance de ta misère en t’inspirant du découragement. Ne fais pas attention à sa malice et relève-toi. Marche avec courage comme si tu n’étais pas tombée. Ne te trouble pas du passé, ne t’inquiète pas de l’avenir, fais seulement bien ce que tu fais présentement.

Ma fille, pourquoi n’obéis-tu pas de suite à ma grâce ? Pourquoi penses-tu que tu as le temps de te lever, que la nuit est assez longue, lorsque je voudrais que tu te levasses de suite ? Apprends que lorsque je t’éveille dans la nuit pour te faire prier, j’ai au même moment des raisons particulières pour que ta prière se fasse de suite. Tu veux être une Eucharistie vivante, considère donc avec quelle promptitude j’obéis aux prêtres dès qu’ils m’appellent. Pense qu’au moment où tu remets à un autre moment pour obéir à ma grâce, j’obéis moi-même sans retardements à la volonté des prêtres qui m’offrent dans d’autres contrées où le jour paraît lorsqu’il fait nuit ici. Apprends donc à m’obéir promptement, si tu veux recevoir mes grâces, et à l’avenir, lève-toi dès que je te réveillerai.

Ta chaumière est peinte au dehors. Je l’ai voulu ainsi me réservant seul la connaissance de ta pauvreté intérieure.

A mon exemple tu dois m’aimer et aimer mon peuple, t’occuper de ses malheurs, tu dois te tenir cachée aux yeux du monde, souffrir d’être oubliée des créatures, d’être comptée pour rien. Tu dois aimer le silence et si ma gloire te force de parler, tu dois te laisser diriger par mon inspiration sans chercher à faire briller ton esprit (…). En un mot, t’abandonner à mon Esprit, ne point faire connaître au monde les vertus que tu peux pratiquer, ne point désirer d’être louée et aimée des créatures, ne point souhaiter d’être plainte par elles quand tu souffres (…).

Je ne puis souffrir les regards d’un homme sur mon épouse et je veux qu’elle les évite.

Où est ta foi ? Tu en as manqué en te plaignant contre les personnes qui t’avaient fait de la peine par leurs péchés puisque ceux à qui tu en as parlé ne pouvaient rien y faire et moi seul pouvais remédier à ces maux. Viens donc, oui, viens à moi pour te plaindre.

L’affaire la plus pressée d’une épouse n’est-elle pas de converser avec son époux ? dès son arrivée, ne laisse-t-elle pas tout ce qu’elle faisait dans le ménage pour rester avec lui seul ? et s’il en était autrement, l’époux pourrait-il être content de la voir travailler, même pour lui, abandonnant pour cela sa compagnie ? Viens auprès de moi et laisse à mes serviteurs le soin de faire les choses qui t’empêcheraient de rester avec ton céleste Epoux.

Notre Seigneur pour soumettre ma volonté à la sienne se plaît singulièrement à me contrarier en tout. Je fais un projet, quelque bon qu’il soit, il le déjoue en me conduisant ailleurs par mille incidents qu’il fait naître. « Ne dis pas cela à tout le monde, m’a-t-il dit, ce sont les secrets de mon amour. Une épouse ne dit pas ce qui se passe dans son ménage ; ne divulgue pas non plus ce qui se passe dans le nôtre. Dis à la bonne heure que tu iras dans tels et tels endroits si je le veux, parce que tout le monde sait bien qu’une épouse fidèle consulte en tout son époux, mais ne dis pas que je te contrarie. »

Un jour entre autre où j’avais été remplie d’ardeur dans la prière et que je revenais de l’église toute pleine de consolations intérieures, il me dit en souriant : « tu crois m’aimer dans ce moment plus qu’à l’ordinaire, n’est-ce pas ? eh bien ! tu te trompes, ce que tu éprouvais vient de ma grâce et non de toi-même, et lorsque tu souffrais la privation des consolations sensibles, tu me prouvais mieux ton amour qu’en ce moment où tu te sens pleine d’ardeur pour moi. »

Tu fais souvent parler ton imagination ; quand tu la feras parler, je me tairai.

Prie ma Mère, car si je te comble de mes grâces, c’est elle qui te les a obtenues.

Ne rejette pas la pensée qu’un jour, tu seras sainte, mais travaille à le devenir. Jusqu’ici tu n’as rien fait pour le mériter.

Je reste sur ta langue pour la purifier de tant de paroles inutiles. (L’Eucharistie purifie la langue des paroles inutiles)

Parcours la route où je t’ai placée, mais va à grands pas ; le jour s’avance pour atteindre la croix ; il ne faut plus perdre de temps. Crois en ma présence en ton cœur, et ton âme languissante deviendra forte. Tu parcourras des lieux comme un lion plein de courage. Pourquoi crains-tu ? Pourquoi es-tu faible quand la force même s’est faite le compagnon de ton voyage ? Garde-toi de laisser amollir ton cœur par une tendresse charnelle ; pense que je suis devenu ton partage et que tu n’as autre chose à faire que voyager avec moi. Oublie tes parents, ta santé, ta vie et toutes tes craintes pour t’appuyer sur moi seul. Tu n’as pas d’autre époux que moi, je te veux toute entière avec moi. Tu dois sans cesse me prier. C’est là la route que tu dois suivre. Voilà quels sont tes devoirs. Garde-toi d’écouter ceux qui te crieront de t’arrêter. Va toujours. Prie, c’est l’unique béquille qui te fera arriver à mon trône, c’est-à-dire à la croix. [….] Ma santé, c’est de vous obéir, ma réputation, c’est de vous plaire, ma gloire, c’est de marcher avec vous ; mes parents, c’est vous, vous seul, divin Epoux à qui je suis uniquement.[…] Brisez, Seigneur, les faibles liens qui retiennent mon âme sur le rivage. Faites en moi ce que je veux et que je n’ai pas le courage de faire moi-même afin que je m’éloigne de tout pour voguer en pleine liberté sur la mer de vos miséricordes et de votre vérité. Remplissez surtout ma barque d’une bonne provision de soumission, d’amour, de dévouement pour la sainte Eglise catholique apostolique romaine qui est l’unique pavillon que je veuille toujours arborer.

Ô mon âme, console-toi, voici ce que te dit ton Seigneur et ton Dieu : « je fais à ton égard comme une tendre Mère fait à l’égard de son enfant quand elle veut lui apprendre à marcher ; elle met son enfant devant elle et, se retirant à quelques pas de lui, elle lui tend les bras pour l’encourager à venir à elle, mais lorsqu’il est prêt de s’y jeter, elle se retire encore à peu de distance afin de le forcer à marcher encore. Elle recommence plusieurs fois le même stratagème pour fortifier son enfant et l’habituer à se soutenir sur ses jambes sans appui. Mais l’enfant qui a commencé de marcher en riant, croyant se jeter de suite dans les bras de sa mère, souffre avec peine qu’elle s’éloigne quand il est prêt de l’atteindre. Cependant, il le souffre une fois ou deux, et quand il voit que toujours elle s’éloigne quand il avance, il s’impatience, il pleure, il se croit perdu et si l’on pouvait démêler ce qu’il pense, on verrait qu’il croit que sa Mère se rit de sa douleur et l’abandonne malgré sa faiblesse, tandis qu’elle ne le perd pas de vue et qu’elle est prête à voler à son secours dès qu’elle le verra chanceler. » Rassure-toi donc ô mon âme ! rassure-toi pour toujours par ces paroles, la porte vient de t’être ouverte. […] souviens-toi qu’il faut enfin apprendre à marcher seule, qu’il est temps de devenir courageuse et forte. Oui, mon Dieu, je m’en souviendrai et cette douce leçon ne sortira pas de mon cœur.

Couverte de misère, remplie de défauts, n’ayant presque pas la force de soulever mon propre poids, veuillez, ô mon Jésus, me brûler du feu de votre charité, afin que, comme le feu convertit en lui tout ce qu’il touche (que ce soit des immondices ou des objets précieux), je sois aussi (moi qui ne suis qu’un fumier) toute convertie et changée en Vous-même par votre charité.

L’ardeur missionnaire

et la contemplation du mystère eucharistique

Zenit ZF05050606.

Ascension 5 mai 2005 : le Pape Benoît XVI souhaite que « l’ardeur missionnaire » soit ravivée chez les chrétiens de France, et pour cela il recommande aux fidèles « d’enraciner leur vie et leur action dans la contemplation du mystère eucharistique », à l’instar de Pauline Jaricot.

Le pape Benoît XVI a adressé le 5 mai, par le cardinal secrétaire d’Etat Angelo Sodano, un message au cardinal Philippe Barbarin, archevêque de Lyon et primat des Gaules à l’occasion du rassemblement des délégués nationaux des Œuvres pontificales missionnaires qui se tient à Lyon et de l’inauguration de la maison rénovée de Pauline-Marie Jaricot :

« Le Saint-Père s’associe volontiers par la prière à tous les participants. Il souhaite que le rassemblement des Œuvres pontificales missionnaires et les célébrations en l’honneur de Pauline Jaricot ravivent l’ardeur missionnaire parmi les chrétiens de France, afin qu’ils aient l’audace, comme leur devancière lyonnaise, d’annoncer l’Evangile et le salut qui nous vient de l’unique Sauveur, par un témoignage fort et par une prière instante, invitant aussi des jeunes à se rendre disponibles pour la mission dans l’Eglise et pour transmettre au monde la vérité et la lumière du Christ »

Le Pape souligne la spiritualité eucharistique de la fondatrice: «Pauline Jaricot puisait dans l’Eucharistie la force de la foi et une conviction profondément missionnaire «afin de coopérer à l’expansion de l’Evangile». C’est pourquoi le Saint-Père invite tous les fidèles à enraciner leur vie et leur action dans la contemplation du mystère eucharistique, qui est la source et le «centre du processus de croissance de l’Eglise» (Ecclesia de Eucharistia, n.21). Il rappelle: «il existe un rapport très étroit entre célébrer l’Eucharistie et annoncer le Christ. Entrer en communion avec lui dans le mémorial de la Pâque, cela signifie en même temps devenir missionnaires de l’événement que ce rite rend présent ; en un sens, cela signifie le rendre contemporain de toute époque, jusqu’à ce que le Seigneur revienne» (Fête du Corps et du Sang du Christ, 10 juin 2004) ».

Pauline Marie Jaricot est la fondatrice de l’Œuvre de la Propagation de la Foi. Son intuition permet aujourd’hui à plus de 1500 diocèses sur les cinq continents de recevoir, par les Œuvres Pontificales Missionnaires (OPM), l’aide indispensable à leur mission d’évangélisation.

« La mission n’est pas optionnelle »

5 mai 2005

« La mission n’est pas optionnelle », déclare le cardinal Crescenzio Sepe, préfet de la congrégation pour l’Evangélisation des Peuples, dans son homélie à Lyon, à l’occasion du rassemblement des délégués nationaux des Œuvres pontificales missionnaires et de l’inauguration de la maison rénovée de Pauline-Marie Jaricot.

Commentant les lectures bibliques de la fête de l’Ascension, le cardinal Sepe a souligné : « C’est ici que commence la mission! Trois mandats précis sont adressés aux Apôtres: «Allez vers toutes les nations; baptisez-les au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit; enseignez-leur à garder tout ce que je vous ai prescrit» La mission n’est pas optionnelle; elle n’est pas non plus une initiative personnelle; elle répond à un commandement précis de Jésus. Il n’existe pas de catégories privilégiées qu’il faille évangéliser, en particulier. La mission concerne le monde entier ».

« Tous les disciples du Christ, sans exception, sont concernés par ce commandement: «Allez!», même s’il existe des modalités différentes pour chacun, continuait le cardinal Sepe. La demande est claire: baptiser au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit. La Trinité, origine et fin de toutes les créatures, est la raison d’être de la mission. C’est à elle que se réfère le missionnaire qui ne manquera pas de monter souvent sur la montagne de Dieu pour trouver l’inspiration nécessaire à son service, puis redescendre au milieu des hommes ».

« La spiritualité missionnaire a ses fondements dans la communion avec le Christ, l’Envoyé du Père. On ne peut comprendre et vivre la mission qu’en se référant à Lui. Saint Paul, l’Apôtre des Gentils, exhorte les Ephésiens: «Que le Dieu de Notre Seigneur Jésus Christ, le Père de la gloire vous donne un esprit de sagesse pour le découvrir et le connaître vraiment» (1,17). «Il ne s’est pas prévalu de son égalité avec Dieu. Au contraire, il s’est lui-même dépouillé prenant la condition d’un serviteur et s’identifiant aux hommes» (Phil 2,5) ».

Evoquant l’héritage spirituel de Pauline-Marie Jaricot , il ajoutait: « nous devons rendre grâce pour son étonnante intuition prophétique: l’Oeuvre de la Propagation de la Foi ».

Et d’expliquer : « Lorsqu’en 1853, son nom figura parmi la liste des pauvres de Lyon, bien qu’héritière d’un riche industriel de cette ville, plusieurs comprirent qu’elle avait dépensé tout ce qu’elle possédait pour les Missions et pour ceux qui se trouvaient dans le besoin ».

« Puisse l’humble créature de cette chère Eglise de Lyon inspirer la marche de notre Eglise missionnaire. Puisse-t-elle nous obtenir la grâce d’être disponibles et généreux pour aller annoncer au monde l’Evangile de l’Amour. Le Pape Paul VI dira d’elle: «Plus que quiconque, Pauline dut faire face, accepter et dépasser dans l’amour un grand nombre de contestations, d’échecs, d’humiliations, d’abandon qui marquèrent son oeuvre du sceau de la Croix et d’une mystérieuse fécondité». Le Saint Curé d’Ars lui-même, du haut de son pupitre proclamera: «Frères, je connais une personne qui sait bien accepter les croix, même les plus lourdes, et qui les porte avec un grand amour. Cette personne c’est Mademoiselle Jaricot, de Lyon». »

« En contemplant le mystère de l’Ascension, prions afin que le Seigneur nous donne de comprendre en profondeur l’esprit qui anima la vénérable Pauline Marie Jaricot lorsqu’elle donna la vie à l’Oeuvre Missionnaire. La Vierge Marie nous accompagne sur nos chemins missionnaires, pour le bien de l’Eglise universelle », concluait le cardinal Sepe.

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La joie de partager, comme Pauline, la force et la beauté de la foi

Homélie du Cardinal Paul Poupard envoyé du Pape Benoît XVI pour la clôture de l’année jubilaire de Pauline Jaricot, à Lyon

9 janvier 2013

Monsieur le Cardinal, chers frères évêques et prêtres,

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ,

Nous venons d’entendre proclamer la Parole de Dieu. En ce mercredi après l’Epiphanie, saint Jean nous dit et nous redit : « Mes bien-aimés, si Dieu nous a aimés ainsi, nous devons nous aussi nous aimer les uns les autres. Dieu est amour. L’amour parfait bannit la crainte. Qui demeure dans l’amour demeure en Dieu et Dieu demeure en lui. Avec le Psalmiste, nous avons rendu grâces au Seigneur : « Qu’éternellement soit béni son nom glorieux ! » Et avec l’évangéliste saint Marc, nous avons béni le Seigneur Jésus qui ne cesse de nous redire, comme aux apôtres affolés sur la barque ballottée par le vent contraire, dans la nuit obscure : « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur ! »

Ainsi éclairés par la Parole de Dieu, nous méditons la vie et la spiritualité de Pauline Jaricot, qui nous réunit en cette Primatiale Saint-Jean pour la clôture de son Année jubilaire, à laquelle le pape Benoît XVI a voulu participer en la personne d’un Envoyé Spécial, en ce 150e anniversaire de sa mort et 50e anniversaire du décret de l’héroïcité de ses vertus.

L’amour de Dieu, source et moteur d’initiatives étonnantes, et la confiance inébranlable au milieu d’épreuves déconcertantes, ce sont bien les caractéristiques de cette âme de feu, comme le soulignait le Vénérable Pape Paul VI pour le 150e anniversaire de la fondation de l’Œuvre de la Propagation de la Foi: « Marie-Pauline Jaricot, écrit-il dans son message, cette authentique file de l’Eglise, si radicalement dévouée à la cause des missions lointaines, et en même temps si préoccupée par les problèmes du monde ouvrier qui l’entourait… Cette jeune fille sut faire face dès 1819 à un besoin pressant de l’Eglise et y associer tout le Peuple de Dieu : ses vues se sont révélées perspicaces et véritablement prophétiques. A bon droit, l’Œuvre de la Propagation de la Foi, fondée en 1822, reconnaît aujourd’hui toute la part qui revient à l’intuition, à l’initiative et à la méthode de cette laïque lyonnaise. Et si, avec abnégation, elle laisse à d’autres le soin de développer cette Œuvre, elle n’en fut pas moins, selon ses propres paroles, « la première allumette pour allumer le feu »…

Son zèle missionnaire s’alimentait à une vie intérieure profonde : elle se voulait toute disponible à l’amour de Dieu, avec un esprit d’enfance qui préfigurait celui de sainte Thérèse de Lisieux. Et cette générosité mystique… lui permit de trouver et d’exécuter sans retard des gestes concrets et courageux : quine connaît l’adoption du « sou » sacrifié chaque semaine pour les missions, puis cette organisation géniale des donateurs par dizaines, par centaines, par milliers ? Plus que bien d’autres enfin, elle devait rencontrer, accepter et dépasser dans l’amour une somme de contestations, d’échecs, d’humiliations, d’abandons, qui donnèrent à son œuvre la marque de la croix, et sa fécondité mystérieuse… Faut-il souligner que l’initiative de Marie-Pauline Jaricot était celle d’une jeune-fille laïque ? … Dans le sillage de Marie-Pauline Jaricot…, les hommes croiront plus facilement à une Eglise que fait ce qu’elle dit ».

Véritable fondatrice, à vingt ans seulement, de l’Œuvre de la Propagation de la foi, mais déjà, à dix-huit ans, d’une association de jeunes ouvrières de son quartier qui se jettent avec elle dans une vie intense de prière et d’apostolat, « les Réparatrice », puis à vingt-sept ans, pour faire entrer ses contemporains dans une vie de prière, elle crée « le Rosaire vivant » à Marie, Mère de Dieu, mère des hommes, « l’œuvre de son cœur », dira-t-elle. Pauline est une jeune-fille laïque embrasée de l’amour de Dieu pour les hommes, qui lui inspire des initiatives étonnantes, pour les missions et pour les pauvres, dans une confiance inébranlable au milieu d’épreuves déconcertantes, en sa Maison de Lorette, une âme de fau, une femme d’action géniale et une apôtre inventive, mais tout d’abord une âme de prière puise dans son cœur à cœur intime et confiant avec le Seigneur, son élan missionnaire, qui lui donne l’audace de lancer une œuvre inédite d’une efficience remarquable, aux dimensions du monde. En méditant sa vie et son exemple comme l’écrit le Pape dans la lettre de nomination comme Envoyé spécial, nous apprendrons à mieux connaître et aimer le Christ, pour nous engager avec ardeur dans la nouvelle évangélisation, dans un amour renouvelé de Jésus et de son Evangile d’amour. 

Comme le souligne le Cardinal Philippe Barbarin dans sa fervente préface au beau livre de Sœur Marie-Monique de Jésus, arrière-petite-nièce de la vénérable Marie-Pauline Jaricot, Une âme de feu. Spiritualité de Pauline-Marie Jaricot (Ed. de Fontenelle, 2005) : « Quel est donc le secret de cette flamme intérieure qui brûlait en elle et qu’elle désirait transmettre ? C’est le feu de la charité, et de l’amour de Dieu si intense qu’il en peut que rejaillir en amour des hommes, particulièrement des plus pauvres ».

Au terme de cette année jubilaire, nous rendons grâces au Seigneur qui nous a donné de redécouvrir en sa profondeur spirituelle le ressort de son étonnante créativité apostolique, missionnaire cette sociale, en cette Année de la foi, que le Saint-Père Benoît XVI nous appelle à vivre, pour le 50eanniversaire de l’ouverture du Concile oecuménique Vatican II, ouvert par le bienheureux Jean XXIII, en le mettant en oeuvre par une nouvelle évangélisation.

En ce moment critique de notre histoire où tant de menaces s’amoncellent sur la famille, comment ne pas nous rappeler qu’avec la grâce de Dieu nous devons notre vénérable Pauline-Marie à une famille de soyeux lyonnais profondément chrétien. « Car le spirituel est lui-même charnel, pour le dire avec notre poète Charles Péguy, et l’arbre de la grâce est raciné profond ». « Vivante de sa propre vie », comme elle l’écrit joliment, « alouette du Paradis », comme la chantent ses parents, après une enfance heureuse et choyée, elle se précipite, ce sont ses propres termes, « on me disait que j’étais jolie, dans le torrent de la vanité ». A 17 ans, un sermon à Saint-Nizier, sa paroisse, lui ouvre le chemin de la vraie vie, qu’elle embrasse avec fougue pour dominer ses deux passions conjointes de la colère et de l’orgueil. Il nous est bon de la découvrir ainsi, l’une d’entre nous, pétrie de la même fragile argile humaine, mais capable de mettre ses passions, dans une véritable révolution, au service de Dieu et de l’Eglise, des missions et des pauvres.

Dès sa conversion, elle prie beaucoup et passe des heures entières en adoration du Saint-Sacrement, dans l’église Saint-Nizier, sa paroisse. Cette vie spirituelle intense toute donnée à Dieu nourrit son amour de l’Eglise, et c’est là le secret du rayonnement apostolique de cette grande contemplative capable déjà à 18 ans, d’élaborer un plan de génie, d’une simplicité et d’une efficience stupéfiantes, comme une comme une main commune tendue à la Providence, pour diffuser l’Evangile dans le monde entier, en soutenant les missions. Mais, à 23 ans, alors qu’elle est pleine de vitalité et d’esprit d’entreprise, « je fus, confie-t-elle, pendant trois ans, comme le ver à soie ». C’est la croix déconcertante, qui e cessera de féconder ses initiatives apostoliques tour au long de sa vie d’apôtre.

Après la Propagation de la foi, « dont les rameaux couvriront la face de la terre », c’est le Rosaire Vivant des groupes de quinze personnes, dont chacune s’engage à réciter quotidiennement et à méditer le mystère qui lui échoit chaque mois par tirage au sort. « Mettez les quinze ensemble, dira-t-elle, un brasier ! », déjà, de son vivant, trois millions d’associés suscités par son élan marial missionnaire aux dimensions de l’Eglise et du monde.

Saisie par la détresse ouvrière au cœur même de sa ville, une nouvelle trouvaille surgit de son génie pratique, l’usine de Rustrel, hauts-fourneaux, communauté de travail pour allier la solidarité avec la sanctification du travail quotidien, grâce à l’institution de la Banque du Ciel, l’oeuvre des prêts gratuits. Mais impitoyablement grugée par des hommes d’affaires véreux, authentiques voraces, ruinée, calomniée et déconsidérée par une « trahison infâme » comme la stigmatisera plus tard Léon XIII, elle ploiera sous « les croix que nous taillent les amis de Dieu ».

« Pourquoi lui ont-ils fait tant de mal », demandera avec candeur le Pape Jean XXIII, en signant le Décret qui proclame l’héroïcité de ses vertus ? Pauline lui avait répondu par avance le 19 mars 1855 dans sa supplique implorante au glorieux saint Joseph : « Que Dieu fasse donc ce qu’il veut, sans que, ni mes souffrances, ni mes larmes, ni mes prières, ni mes gémissements puissent détourner un iota de l’exécution de cette volonté sainte sur moi. Que Marie Immaculée me reçoive en ses mains très virginales, maternelles et fidèles, pour me préparer au sacrifice de tout mon être à ce divin Jésus, mon Sauveur, qui s’est immolé sous ses yeux et qui est mort sur la croix avec son consentement ».

« Mon seul trésor est la croix », écrivait-elle six ans avant sa mort, dans une sorte de testament spirituel. « J’ai aimé Jésus-Christ plus que tout », Jésus présent dans la  sainte Eucharistie.  Elle n’avait que 23 ans, en une nuit elle écrit son petit livre ardent L’amour infini dans la divine Eucharistie, « océan de merveilles sans fond et sans rivages. Il se présente à nos sens sous la forme du pain, car il est notre vie, sous la forme du vin, car il est notre force, le Dieu qui m’aime et que j’aime uniquement ».

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, entrons avec ces sentiments de notre Pauline dans le mystère eucharistique. Demandons avec foi au Seigneur avec notre Pape Benoît, qu’il aide toute l’Eglise à ouvrir toutes grandes les Portes de la Foi, que nous retrouvions le goût de nous nourrir de la Parole de Dieu, du pain de la vie, et la joie de partager, comme Pauline, la force et la beauté de la foi « professée, célébrée, vécue et priée », dans « un engagement ecclésial plus convaincu en faveur d’une nouvelle évangélisation, pour redécouvrir la joie de croire et retrouver l’enthousiasme de communiquer la foi, l’engagement missionnaire » renouvelé, qui « puise force et vigueur dans la redécouverte quotidienne de son amour…, un amour qui semble devenir toujours plus grand parce qu’il a son origine en Dieu…, que le témoignage de vie des croyants grandisse en crédibilité ». Qu’à notre prière fervente le Seigneur suscite de nouveau en son Eglise des « âmes de feu », de jeunes laïcs comme Pauline Jaricot, passionnés de l’Evangile de Jésus, apôtres du renouveau missionnaire et pionniers de la justice sociale. Que chacune et chacun d’entre nous puisse dire comme elle: Sainte Eglise de Dieu, ma Mère, comme je vous ai aimée.

Inauguration de la Maison de Pauline –Marie Jaricot

Discours de M. Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon, à l’occasion de l’inauguration, jeudi 5 mai, de la Maison Pauline-Marie Jaricot, Fondatrice de l’œuvre de la Propagation de la Foi, qui se trouve à Lyon (42, montée Saint Barthélemy, Lyon 5ème).

Sous l’égide de l’Archevêque de Lyon, le Cardinal Philippe Barbarin, président des OPM de France, la maison de Pauline Jaricot où elle vécut de 1832 à sa mort en 1862, devient un lieu de mémoire, de prière et de mission. Entièrement restaurée, son inauguration a eu lieu jeudi 5 mai, en la fête de l’Ascension, en présence de l’Archevêque de Bombay, Ivan Dias, des Cardinaux Barbarin et Sepe, et de plusieurs évêques du monde, des directeurs nationaux des OPM, de personnalités civiles et d’amis de Pauline.

Monsieur le Cardinal Archevêque de Bombay,

Monsieur le Cardinal Archevêque de Lyon,

Monsieur le Cardinal Préfet de la Congrégation pour l’Evangélisation des Peuples,

Monseigneur le Nonce Apostolique,

Monsieur l’Ambassadeur de France près le Saint-Siège,

Monsieur le Préfet délégué pour la défense, représentant Monsieur le Préfet de la région Rhône-Alpes, Préfet du Rhône,

Monsieur le Président du Conseil Régional Rhône-Alpes,

Monsieur le Président du Conseil Général du Rhône,

Monseigneur le Président du Conseil Pontifical Cor Unum,

Monseigneur le Président International des Œuvres Pontificales Missionnaires,

Monseigneur le Président de la Conférence des Evêques de France et les nombreux évêques qui l’accompagnent,

Mesdames et Messieurs les Elus,

Mesdames et Messieurs,

Nous sommes aujourd’hui réunis pour l’inauguration de la Maison de Pauline Jaricot, dont la personnalité a marqué l’histoire du christianisme lyonnais mais aussi l’histoire de notre ville.

A l’occasion de cette inauguration, se tient à Lyon le Conseil Supérieur des Œuvres pontificales missionnaires qui, d’ordinaire, a lieu à Rome mais qui réunira du 4 au 13 mai un certain nombre de cardinaux et les cent-trente directeurs nationaux des Œuvres pontificales missionnaires du monde entier.

C’est avec respect que le Maire de la ville de Sainte Blandine et Saint Pothin vous accueille aujourd’hui près des lieux où les premiers chrétiens subirent le martyre.

Pour les chrétiens de Lyon mais aussi plus largement pour tous les Lyonnais, la vie et l’œuvre de Pauline Jaricot sont une référence particulièrement forte tant la trajectoire que va connaître Pauline Jaricot est d’une certaine manière exceptionnelle.

Née en 1799 dans une famille bourgeoise, Pauline Jaricot aurait pu connaître, comme elle le dira elle-même, la vie frivole d’une jeune bourgeoise de cette époque, « les frivolités », la danse, les bals, les toilettes.

Pourtant, à dix-sept ans, elle va être touchée au plus profond de son être par un sermon auquel elle assiste dans l’église Saint-Nizier.

Le prêtre qui le prononce est hors norme et le caractère exalté de ses prêches ne va pas sans créer quelques difficultés au sein même de l’Eglise.

Mais y-a-t-il de vraie foi sans passion ? « Credo qui absordum » disait Saint Augustin.

Toujours est-il que, du jour au lendemain, Pauline Jaricot va changer de vie.

D’elle-même, elle décide de se tourner vers les autres et, en particulier, vers ceux qui souffrent, le petit peuple, et notamment le monde ouvrier.

Ce qui fait naître en elle la volonté de leur venir en aide sur le plan matériel et social, mais aussi spirituel.

Mais, pour Pauline Jaricot, le message de l’Eglise catholique ne peut qu’être universaliste et s’adresser au monde entier.

C’est pourquoi elle va d’abord s’intéresser aux missions et réunir pour cela des fonds dans l’Oeuvre de la propagation de la foi. Une dizaine d’années plus tard, elle lancera sa deuxième grande entreprise, celle du Rosaire Vivant, pour réaliser un grand réseau de solidarité de prières.

A la fin de la vie de Pauline Jaricot, on finira par compter 2.250.000 inscrits dans la seule France. Mais pour Pauline Jaricot, la prière ne saurait être désincarnée et distante du monde où elle vit. Et quand, en 1831 et 1834, éclate la révolte des canuts, Pauline Jaricot prend partie pour ces derniers avec véhémence au point de se trouver, en 1834, prise pendant plusieurs jours avec «les filles de Marie» entre les cris des insurgés et ceux de la troupe.

Ce sentiment de l’injustice du monde ne quittera dès lors plus Pauline.

En 1840, elle développe le pari fou de monter une grande banque de prêts gratuits pour les ouvriers. Elle y laissera sa fortune et, complètement ruinée, elle finira par être obligée de s’inscrire elle-même au Bureau de bienfaisance.

Perdue de fortune, Pauline Jaricot va l’être aussi de réputation.

Dans la bonne société que Pauline Jaricot dérangeait par ces certitudes évangélisatrices en direction des plus humbles, on commence à dire que tout cela était bien normal et que, depuis le début, l’action de Mademoiselle Pauline Jaricot n’avait été que folie.

A côté de la détresse financière, Pauline Jaricot doit endurer la calomnie au point que le Pape Jean XXIII, lorsqu’il signera le décret proclamant l’héroïcité des vertus de Pauline Jaricot en 1963, demandera « pourquoi lui ont-ils fait tant de mal » ?

Ce que ne savait pas Pauline Jaricot, c’est que sa voix, sa vie ne devait pas demeurer vaines, qu’elle avait fait germer une pensée et que Lyon allait devenir l’une des sources d’inspiration du catholicisme social avec Joseph Folliet, Frédéric Ozanam, Antoine Chevrier, Paul Couturier, Maurice Guérin, Joseph Lebret, bref, toutes celles et tous ceux qui ont pensé que la foi de Dieu ne pouvait être dissociée de la foi en l’Homme et que le message d’amour porté par la foi chrétienne ne pouvait s’adresser à Dieu s’il ne s’adressait pas à l’homme.

Le Cardinal Billé avait fortement mis l’accent sur la personnalité exceptionnelle de Pauline Jaricot car il savait que pour tous les Lyonnais, croyants ou non, le message de Pauline Jaricot était resté très fort.

Ce message est avant tout message d’amour. Il est avant tout message d’espoir. Il retentit aujourd’hui fortement dans nos cœurs.

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